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Un jour qu’il s’en allait à pied, de Rennes à Bain, toujours accompagné de ses deux saints favoris, il s’arrêta à Bout-de-Lande pour déjeuner.

Dans l’auberge où il entra, on leur servit une omelette au lard et de la tête de veau qu’ils trouvèrent parfaites, car ils mangèrent tout.

Le bon Dieu en se levant de table dit : « Pierre, règle la dépense. »

— La bonne plaisanterie, répondit le portier du paradis, vous savez bien que je suis gueux comme Job.

— Alors c’est à toi, Jean, de régler ce que nous devons.

— Je n’oserais jamais, seigneur, j’aurais trop peur de vous humilier.

— Je vois bien que vous êtes des farceurs, dit le bon Dieu en souriant, et il jeta une pièce d’or sur la table.

— Je ne puis vous rendre la différence, répondit la bonne femme, je n’ai pas de monnaie.

— C’est bien, gardez tout, reprit le bon Dieu, vous en aurez besoin bientôt.

Le mari de la cabaretière, qui fumait sa pipe au coin du feu, avait d’un œil d’envie convoité la bourse pleine d’or du bon Dieu.

« Si je pouvais l’avoir, se disait-il, ma fortune serait faite et je n’aurais plus besoin de travailler.

Il regarda de quel côté se dirigeaient les voyageurs et lorsqu’il les vit prendre la route de Bain, il s’empara d’un gros bâton et s’en alla à travers champs les attendre au coin de la lande de Morhéan.

Le maître du monde marchait en avant et arriva le premier près du malfaiteur qui s’élança sur lui, le prit à la gorge et s’écria : « La bourse ou la vie. »

Dieu le toucha seulement du doigt et le changea en âne. Puis il chassa devant lui la bourrique aux longues oreilles, qui baissa la tête d’un air penaud.


II


Arrivés au haut de la côte de Bel-Air, ils rencontrèrent un meunier qui se rendait à son moulin, chargé d’un énorme sac de grain.

Le pauvre diable n’en pouvait plus, et la sueur lui coulait sur le visage.

— Tu sembles bien fatigué, mon brave homme, lui dit le seigneur Dieu, tu n’as donc pas d’âne à ton service ?

— Hélas ! je suis trop pauvre pour cela.