Page:Oraison funèbre de très haute et puissante Dame, Madame Justine Pâris, 1884.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 18 —

vous avait cette lâcheté, qu’elle se lève, qu’elle sorte ; elle n’est pas digne de cette maison !

Mais plutôt qu’elle reste ! Qu’elle apprenne que la mort de Justine fut, non la peine, mais la récompense de ses travaux, et qu’il n’est pas donné à toutes de la mériter.

Moi-même qui vous parle, combien de fois ne me suis-je pas vue attachée au lit de douleur ? Combien de fois ne me suis-je point écriée : La vérole, ô mon Dieu, m’a criblée jusqu’aux os !

J’en suis revenue autant de fois. Que ne puis-je vous montrer mes anciennes blessures ! — Là, vous dirais-je, une pierre vraiment infernale me fit ces horribles cavités : ici, le fer impitoyable détruisait une partie de moi-même pour sauver l’autre ; par ce canal, affreusement obstrué, des liqueurs brûlantes entraînaient avec mes humeurs le venin qui les corrompait. Ma peau, partout cicatrisée, tous mes nerfs affaiblis n’attestent que trop les douloureux frottements que toutes les parties de mon corps ont essuyés. Actuellement, les yeux caves et troubles, les joues allongées, le front couronné du chapelet fatal, je porte sur moi les symptômes de la vérole qui m’a criblée jusqu’aux os.

Vous le savez pourtant, je suis intrépide : six champions vigoureux se relèvent infatigablement à mon service. Puissé-je mériter la mort de l’héroïne que nous célébrons ! Puisse mon âme, comme la sienne, s’écouler avec ma subsistance toute fondue, pour ainsi dire, en torrent de volupté !

Je n’exige pas ces souhaits de vous, mes chères filles ! si l’espoir d’une mort glorieuse fait les héros,