Page:Orsier - Henri Cornelius Agrippa.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

faire les mêmes recommandations pour ce vœu, et, si je vis, je ferai aussi un pèlerinage semblable. De plus, je voudrais que, pour cette chaîne d’or dont vous deviez lui faire cadeau, vous en réserviez le prix pour des offices ou de bonnes œuvres, ce sera le meilleur emploi. Il reste beaucoup de choses, cher Furbity, que nous devrions traiter, et examiner ensemble. Comment disposerai-je du peu de vie qui me reste ? Que ferai-je de mes malheureux enfants ? Toutes les autres questions peuvent être résolues par lettres ; mais celles-ci réclament votre présence. J’ai bien ici, il faut le dire, des amis fidèles qui veillent à mes nombreux et divers intérêts ; mais ma confiance pleine et entière ne repose qu’en vous seul. Du reste, ce sont les recommandations dernières de mon épouse expirante : elle me recommandait de n’agir dorénavant que d’après vos conseils, de vous prendre comme conseiller pour moi-même et comme tuteur de mes enfants. Je m’attache donc fermement à ses dernières volontés et j’aspire au moment où il me sera permis d’user de vous. Il me reste encore beaucoup de choses importantes à vous communiquer, cher Guillaume, mais il n’en est pas l’heure. Tâchez donc de m’écrire aussitôt si vous devez venir nous voir quelque jour. Je n’ai pas répondu aux quelques dernières lettres que vous m’avez fait tenir par F. Jacob Chalcus. Je me suis trouvé pas mal de temps absent. Étant allé à Malines[1], je les ai tardivement reçues ; en second lieu, la maladie de ma femme bien aimée m’a tellement troublé que je n’ai pu vous répondre. Du reste, ma personne, tout ce qui est à moi, tout est perdu. Il ne peut y avoir désormais de bonheur, d’agrément dans ma vie depuis la perte de ma compagne chérie. Elle me maintenait seule ; seule elle était la consolation de ma vie, me conciliait l’amitié de tous, m’aidait en tout. Adieu. Priez l’Éternel pour moi-même, priez-le ardemment pour le salut de ma chère épouse, votre parente, quoique je sois cependant bien loin de douter de son salut. J’en doute si peu que je la supplierai d’intercéder pour moi pieusement et assidûment auprès du Christ. Encore une fois, adieu.


XLIX
Agrippa à Guillaume Furbity.

Anvers, 4 octobre 1529.

Je vous ai déjà envoyé trois lettres, très-respectable parent, pour vous faire connaître l’irréparable malheur qui m’a frappé, la déplorable mort de ma femme bien-aimée, celle d’Hercule et de Marie[2], la dangereuse maladie qui affecta mon serviteur et ma servante tout à la fois. Mes enfants et moi nous sommes seuls encore sains et saufs.

  1. Agrippa avait des malades de marque à soigner à Malines et à Louvain.
  2. Deux serviteurs d’Agrippa, morts de la peste d’Anvers.