Page:Orsier - Henri Cornelius Agrippa.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
SA CORRESPONDANCE

peine si l’on pourrait exprimer et, si on le faisait, vous auriez difficulté de croire quelle joie incomparable elle m’a causée quand j’y ai vu avec quelle bonté singulière vous avez daigné me louer, m’illustrer, moi qui suis encore pour vous personnellement un inconnu. Mais ce n’est pas tout, votre bonté à mon égard dépasse toutes mes espérances. Vous me promettez de lire ma Déclamation sur la Vanité des Sciences et celle sur l’Excellence de la Parole de Dieu, d’un bout à l’autre.

Vous me promettez de vous étendre longuement dans une appréciation de ce traité. Eh bien ! faites-le, je vous en supplie, cher Érasme, ne refusez pas ce petit travail à votre cher Agrippa. Dites-moi ce que votre science pense à ce sujet. Je vous appartiens, en effet, je m’engage, sous la foi du serment, comme soldat sous vos drapeaux. Je me livre tout entier à vous. Votre jugement sera toujours pour moi comme dicté par une autorité antique et vénérable. Ma confiance en votre bonté est assez grande pour croire que vous tiendrez compte de ma franchise, de la liberté avec laquelle j’y proclame la vérité. Vous savez, en effet, ce que c’est qu’une déclamation mais je veux vous avertir que, en ce qui a trait à la question religieuse, je ne pense pas autrement que l’Église catholique.

J’ai retenu quelques jours auprès de moi le prêtre Andréas, qui m’apportait votre lettre. C’est un homme pieux et modeste, que ses propres mérites me recommandaient, outre votre bonne lettre. Puissé-je être l’homme capable de satisfaire ses aspirations ! Puissé-je être un jour tel qu’il me juge ! Adieu, très cher ami ; sachez qu’il ne peut rien m’arriver de plus agréable que si mon âme, qui vous est dévouée tout entière, est reçue avec une bienveillance aussi grande qu’elle se donne, par la vôtre. Encore une fois adieu.

De cette Cour Impériale, marâtre des belles-lettres et des vertus, 1531.


LII
Eustache Chapuys[1] à Agrippa.

Londres, 26 juin 1531.

Au très savant et très honorable homme Henri Cornélis Agrippa, son ami le plus dévoué Eustache Chapuys, salut.

Puisque la Fortune, notre genre de vie, ou même la carrière différente que nous suivons font, cher Agrippa, que nous ne pouvons pas nous communiquer de vive voix ce que nous désirerions, j’ai pensé que le plus court était d’échanger des lettres de temps en temps. Je suis d’avis qu’il

  1. Chapuys était alors ambassadeur de Charles-Quint en Angleterre auprès d’Henri VIII, et il le fut pendant 17 ans (1529-1546.) Sa correspondance diplomatique originale, complète et scellée de son sceau, est pour partie à Vienne en Autriche, pour partie à Simancas, petite ville de la Vieille-Castille, où se trouvent les plus précieuses archives de l’Espagne.