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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

pour les meilleures des sciences, uni à votre sagesse, à votre éloquence, à votre fermeté religieuse et au plus noble caractère, que vous planez de bien haut au-dessus des hommes ordinaires ; sans parler de votre noble origine, votre richesse, vos propriétés étendues, votre valeur spirituelle, votre beauté et votre force corporelle.

Mais par-dessus tout, j’estime vos héroïques et éclatantes vertus, dont l’influence est si grande que plus on est soi-même instruit et ami de la vertu, plus on met de zèle à gagner vos bonnes grâces. Aussi me suis-je donné comme but de travailler à un si grand honneur, mais à la façon des Parthes, c’est-à-dire non pas sans une offrande. Cette manière de saluer un prince s’est conservée, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nous et aujourd’hui on l’observe encore. J’ai vu d’autres savants offrir à Votre Altesse princière de magnifiques présents de leur savoir j’aurais donc tenu comme un manque de respect à votre égard, si j’avais osé m’approcher de vous les mains vides. Mais, en me demandant quel présent je pourrais offrir à un aussi excellent prince et en cherchant dans ma bibliothèque, j’aperçus sur un rayon mon travail sur la Philosophie occulte, que dès ma jeunesse j’avais entrepris d’écrire, mais que je n’avais pas fini, et que, depuis bien des années, j’avais presque oublié. Je m’empressais alors de terminer ce livre, car je croyais ne pouvoir rien offrir de plus agréable à Votre Altesse princière qu’un travail nouveau sur la plus ancienne et la plus secrète des sciences, dont le rétablissement n’avait jusqu’ici été tenté par personne.

Toutefois je ne vous dédie pas cette œuvre comme si elle était digne de vous, mais afin qu’elle m’ouvre le chemin de votre bienveillance. Que ce me soit auprès de Votre Altesse une excuse de la prier que ces études de mon jeune âge puissent arriver au public sous ses hauts auspices. Je voudrais que, malgré mes envieux, ce travail ne tombât pas dans l’oubli il contient beaucoup de choses qui, dans mes années plus avancées, m’ont paru utiles, nécessaires même à connaître. Votre Altesse reçoit ainsi la dédicace non seulement d’un labeur de ma jeunesse, mais encore celui de mon âge présent, car j’y ai corrigé bien des défauts j’y ai ajouté nombre de choses en certains endroits ; j’y ai intercalé bien des chapitres, ce qu’il est, à la différence du style, facile de reconnaître.

Avec l’assurance que je serai toute ma vie au service de Votre Altesse princière, je me recommande au plus heureux des princes de l’heureuse Cologne.


LI
Agrippa à Érasme.

Bruxelles, janvier 1531.

La lettre que vous m’aviez adressée, vénérable Érasme, le 13 des calendes d’octobre, je l’ai reçue le cinq avant les nones de novembre. C’est à