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SA CORRESPONDANCE

mérite. Je lui ai fait le déplorable tableau de toutes les infortunes dans lesquelles vous êtes plongé ; je l’ai prié, au nom du très-Révérend Seigneur le Légat, de vous secourir en toute bonne justice, et je lui ai parlé particulièrement de la cause pour laquelle vous êtes détenu. Pour le faire plus avantageusement et plus clairement, je lui ai montré votre lettre. Il m’a répondu avec la plus grande bonté, me disant qu’il ferait tout son possible pour que la liberté vous soit rendue. Il a même voulu que je vous écrivisse afin que vous soyez plus calme en attendant. Je voulais revenir chez lui dans une heure ; il a dit que c’était inutile et a promis d’envoyer quelqu’un de sa suite pour annoncer au Révérend Seigneur votre mise en liberté. Si l’on se conforme à ses ordres, il ne sera pas nécessaire que j’y retourne. Dans le cas contraire, — Dieu veuille qu’il n’en soit pas ainsi, j’y retournerai et ne négligerai rien pour qu’aujourd’hui même vous soyez remis en liberté et rendu à vos amis qui vous aiment tant. Au revoir et bon courage[1].

De la Maison du Révérend Seigneur le Légat, 21 août 1531.


LVI
Agrippa à Charles-Quint.

Bruxelles, 1531.

J’ai été, redoutable Empereur, réduit à une telle infortune pour rester à votre service qu’à part la perte de la vie vous ne pourriez m’en souhaiter de plus grande. Bien que, dernièrement encore, poussé par je ne sais quelle dureté d’âme, vous ayez détourné les yeux de mes supplications, je veux encore une fois, imitant en cela l’exemple de la Nature à l’égard des moribonds, faire auprès de vous un dernier effort. Je reviens donc à vous comme suppliant, ne vous demandant qu’une seule chose. S’il ne m’est permis d’obtenir de votre bonté ce qui est dû à mon mérite, la récompense et le salaire de mes fonctions, que j’obtienne du moins de votre indignation, si toutefois vous êtes indigné contre moi, un congé en forme. Puisqu’il ne m’est pas permis d’espérer, qu’il me soit du moins permis par vous de désespérer. Délivrez-moi du serment de fidélité que j’ai prêté à Votre Majesté ; reniez-moi, si vous le voulez, mais permettez que je me retire libre. Ne vous irritez donc pas si je vous parle ainsi, dans l’accès de mon désespoir ; j’y suis forcé, vous le savez : nécessité n’a pas de loi.

  1. Cette lettre est sans doute de Dom Luca Bonfius.