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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

mon amitié. Ma situation est telle en ce moment que je dois me borner à affirmer, à attester que partout où vit Bernard, il se montre mon défenseur, mon protecteur le plus fidèle ; partout, en revanche, où vit Agrippa, il se dit le plus obligé, le plus reconnaissant des clients et des amis de Bernard.

Voici où en sont mes affaires chez les Bourguignons du Brabant. Les trésoriers de l’Empereur ne me paient point ce qu’ils me doivent ; non contents de m’accabler de leurs refus frauduleux, ils m’accablent sous le poids de paroles pompeuses. Rien de ce que César avait décidé à mon égard ne reçoit de conclusion. Le Turc[1] a absorbé tout mon argent ; je me suis enfui avec toute ma famille ; j’ai même emporté ma Bibliothèque ; mais je crains que si un Dieu, venant à mon secours, n’apporte un dénouement à la tragédie, je ne puisse échapper sans danger et sans dommage à une catastrophe.

Mon livre sur la Philosophie occulte, augmenté, corrigé, châtié, est sous presse. Déjà plusieurs feuilles de quatre pages sont composées il paraîtra tout entier vers les fêtes de Noël. Alors, si je puis trouver un messager sûr et fidèle, je vous en enverrai quelques volumes ; sinon, j’attendrai le messager que je vous ai déjà envoyé. En attendant, je vous prie de m’écrire ce que vous faites, ce que vous devenez, quelle est l’entreprise secrète où vous vous êtes engagé.

Avez-vous reçu Cabale de Samuel et notre Livre de la main d’Augustin Fornari ? Si vous voulez m’associer à quelque travail de ce genre, veuillez m’envoyer quelques bons livres. Adieu, très cher. Recommandez-moi au Seigneur l’Éminent Cardinal Campegio et saluez en mon nom toute votre famille.


LXVII
Agrippa à Érasme.

Bonn, le 13 novembre 1532.

Dans la lettre que Polyphème m’a remise d’autre part avant la Foire, vous m’annoncez, cher Érasme, que vous succombez à la langueur du corps, à la fatigue des travaux de l’esprit, aux tracas que vous cause le bâtiment que vous élevez. C’est pour tous ces motifs, dites-vous, que je ne puis vous écrire plus longuement. Vous m’aviez promis toutefois de m’écrire plus joyeusement et plus longuement après la Foire. J’ai attendu patiemment votre lettre, ne voulant pas encore vous importuner ; ayant trouvé une occasion favorable de communiquer avec vous, j’ai résolu de rompre le silence, non pas pour vous demander de m’écrire, mais pour vous avertir que je n’ai reçu aucune lettre de vous, afin que si, par hasard, vous m’a-

  1. Agrippa fait ici allusion à l’un de ses créanciers, probablement l’irréductible Falco.