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SA VIE ET SON ŒUVRE
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Les déplacements qu’il était souvent obligé de faire pour le service de Metz et le voisinage de Cologne lui permirent d’y faire une excursion où il put revoir sa mère, sa sœur, ses amis[1], et embrasser une dernière fois son vieux père, qui mourait peu de temps après, au début de l’année 1519, aux termes d’une lettre qui mentionne le fait, mais dont la date n’est pas précise[2] par elle-même. Malgré les avantages de sa nouvelle résidence, Agrippa s’y plaisait peu, car il était devenu tout italien de goût, de mœurs et d’éducation[3]. À Metz, gouvernée par un patriciat tout puissant, la vie était sévère. D’autre part, Metz était alors une cité où les moines exerçaient une domination d’autant plus tyrannique qu’il s’agissait pour eux de défendre leur ville privilégiée contre l’imminente invasion des doctrines luthériennes. Aussi l’arrivée d’Agrippa, en février 1518, fut-elle accueillie avec d’extrêmes réserves et de sourdes colères. Il était précédé dans cette ville par sa réputation d’écrivain satyrique, de libre-penseur : ses discussions, au sujet du livre de Reuchlin, qui, lui-même, en ce moment, était en en butte à de graves poursuites en Allemagne, n’avaient pu passer inaperçues parmi les moines du pays messin dont la vigilance et la jalouse ambition étaient surexcitées par les menaces de jour en jour plus vives de la Réforme. Au fond ils devinaient un ennemi redoutable dans cet Agrippa qui allait être chargé de défendre contre eux les intérêts des citoyens de Metz. On ignore les prémisses de la conduite du nouveau syndic mais il est à présumer qu’il ne fit pas longtemps attendre les manifestations de son humeur turbulente et batailleuse, d’autant plus que la lice était ouverte, et que deux partis en présence convoitaient d’attirer à eux le nouvel arrivant si connu pour l’énergie et la hardiesse de sa polémique. Les théologiens de l’endroit discutaient le point de savoir si sainte Anne avait eu trois maris et un enfant de chacun d’eux, ou si elle n’avait eu qu’un mari et une fille. Comme l’avait fait un de ses amis, Le Fèvre d’Étaples, qui avait encouru l’indignation des moines, Agrippa soutint la monogamie, et ses adversaires eurent le dessous dans cette querelle[4]. Première victoire d’Agrippa dans sa nouvelle patrie. Mais bientôt on allait l’attirer sur un tout autre terrain.

  1. Id., II, 15, 16.
  2. Id., II, 19. Conf. Prost. tome II, p. 470.
  3. Id., III, 15.
  4. Voir Op. omnia, II, pp. 588-593 et pp. 594-663 deux pièces de polémique sur cette question. Jacques Lefèvre d’Étaples fut professeur de philosophie au collège du Cardinal Lemoine de 1493 à 1507, et devint en 1516 grand-vicaire de Mgr Briçonnet, évêque de Meaux, qui se l’était déjà attaché à Lodève depuis 1507.