Page:Orsier - Henri Cornelius Agrippa.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

teur de Cologne, qui ne voulait pas être un devin et qui aurait donné beaucoup pour pénétrer plus avant dans la politique royale, devait en faire la cruelle expérience. Ses cornues lui restaient comme consolation à ses déboires, mais la reine Louise poussait l’oubli jusqu’à ne plus alimenter les fourneaux. En vain, pour la fléchir, consacra-t-il à la princesse Marguerite son opuscule sur le Sacrement de mariage[1]. Ce développement de rhétoricien fut loin de plaire à son entourage ; cela résulte des lettres écrites à ce sujet par Chapelain[2] à Agrippa. Ses ennemis ne manquèrent pas d’en profiter pour le calomnier auprès d’elle comme bourboniste, à tel point qu’il vit lui échapper ce puissant appui et que, faute de secours, il tomba dans la plus extrême misère. Aussi sa correspondance prend-elle tour à tour une tournure pleine d’orgueil ou d’humilité, au gré de ses espoirs ou de l’amertume de son découragement.

Pour comble d’infortune la reine-mère quitte Lyon avec sa fille et une grande partie de la cour pour se rendre à la frontière d’Espagne au-devant de son fils. Le pauvre Agrippa reçoit alors l’ordre de ne pas bouger de place[3] mais, pour ne pas donner à cette disgrâce un éclat trop désastreux, on lui laissa entendre qu’on l’appellera sous peu dans une ville de France où ses talents seront mis à l’épreuve. Quant aux appointements de sa charge de médecin de la reine-mère et à la pension qui lui avait été promise par François Ier, silence absolu. Il faut pourtant vivre. Ses meilleurs amis, n’étant pas fortunés, ne peuvent lui être utiles que dans une modeste mesure. Le médecin doit néanmoins mener un certain train de vie, il a femme, enfants et un domestique assez nombreux. Que faire pour subvenir à ces charges ?

Le parti bourbonien lui avait fait des offres ; mais, se refusant à croire que tout fût fini à la cour de France, il n’osait pas encore faire ouvertement défection. Se contentant d’adresser à Bourbon des pronostics, il le fit avec tant d’imprudence que ces relations n’étaient un secret pour personne. Il s’en défendait avec plus d’énergie que de franchise, et, pour prouver l’invraisemblance de cette félonie, il excipa d’un certain service qu’il aurait rendu au roi en empêchant

  1. Imprimé dans les Opera omnia, éd. à Lyon en 1600, chez les Béring, pp. 543 et suiv., tome 1.
  2. Epist., III, 2. Conf. Herminjard, tome I, p. 421. La corresp. entre Agrippa et Jehan Chapelain se compose de 54 lettres, dont 12 sont de Chapelain.
  3. Aussi Agrippa n’accompagna point la Régente dans le voyage de Bayonne entrepris pour aller au deyant de François Ier sorti de captivité le 18 mars 1526. Mais Chapelain fit partie de l’escorte royale.