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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

vous serez bien décidé. Puisque vous désirez aussi savoir par quelle route, par quels moyens, avec quelle aide, vous pourrez le faire, je vous le dirai en dernier lieu, puisque vous m’en manifestez le désir, autant que, dans la circonstance présente, il me sera possible de le faire. Je devine, en outre, combien le peu d’espoir que vous avez dans l’utilité de votre voyage auprès de nous, vous le placez entièrement en notre ami dévoué Eustache Chapuys[1]. Mais vous ignorez sans doute, cher Henri, à quel point cet homme si sûr, le meilleur de vos amis, voit avec peine que vous ne lui ayez absolument rien écrit. Aussi, écrivez-lui donc, écrivez-lui le plus tôt possible. Répondez à un ami si digne et si cher, qui vous est dévoué entre tous et qui vous aime tant. Adieu, Maître vertueux, ma lumière unique. Pardonnez à une lettre un peu verbeuse, et à d’aussi grandes inepties que celles que je vous débite.

Genève, 16 novembre.


IX
Un ami à Agrippa.

De Genève, 16 janvier (même époque).

Je pensais vraiment, très illustre Cornélis, que vos lettres m’apporteraient une joie d’autant plus grande qu’elles sont arrivées plus tard. Je pensais qu’après longue et mûre réflexion vous ne changeriez pas d’avis et que vous nous annonceriez enfin votre arrivée. Cet espoir m’était tellement doux, tellement agréable qu’à la Fortune elle-même, cet être si inconstant cependant, je cédais la largeur d’un ongle, puisqu’elle m’accordait la réalisation de mon vœu le plus ardent vous voir ici, jouir de votre présence, pouvoir vous être de quelque utilité. Malheureux que je suis ! Destin cruel, implacable ! Pourquoi suscite-t-il dans les choses humaines tant de vicissitudes, tant de changements quotidiens dans les cœurs ? Qu’elle a été courte, grand Dieu, cette joie trop profonde ! Comme elle s’est vite changée en douleur, en angoisse ? C’est votre lettre qui est venue ajouter à l’anxiété de mon attente cet immense désappointement. Vous n’avez donc pas tenu compte du désir ardent que nous avions de vous voir, aucun compte de tout ce qu’on vous a dit de vive voix ou de ce que vous nous aviez dit dans deux lettres différentes. Quant à moi, je ne puis me reprocher d’avoir trahi la foi jurée toujours comme par le passé, je vous offre tout ce que je possède, je vous le donne ; je vous en fais l’abandon. Les habitants de Metz[2], plus habiles chasseurs que nous, vous possèdent à présent, très cher Henri. Déjà vous avez l’espoir certain de revoir

  1. Chapuys, d’Annecy, était alors Official de Genève, sous l’évêque Jean-Louis de Savoie.
  2. Agrippa avait été nommé syndic et orateur de la ville de Metz, qu’il quitta bientôt, le 25 janvier 1520.