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CATHLIN DE CLUTHA

sur ta colline secrète, Frappe ton bouclier comme les rois de Morven[1]. Avec le jour, tu conduiras mon armée au combat. De mon rocher, Oscar, je verrai ta forme terrible dominant la bataille, comme l’apparition des fantômes au milieu des orages qu’ils soulèvent.

Pourquoi mes yeux se tourneraient-ils vers ces temps obscurs d’un passé où n’avait point encore éclaté le chant des bardes, semblable au réveil subit des vents ? Les années d’un passé moins reculé sont marquées d’illustres actions. Comme le nautonnier regarde pendant la nuit l’étoile de Ton-thena, ainsi levons les yeux sur Trenmor, le père des rois ! »

Carmal avait versé ses nombreuses tribus sur la plaine retentissante de Caracha. Ils ressemblaient à une chaîne de vagues sombres, et leurs bardes en cheveux blancs, tels qu’une mouvante écume, s’avançaient devant eux : le feu de leurs regards allumait autour d’eux l’ardeur des combats. Ces habitants des rochers n’étaient pas seuls ; avec eux se trouvait un enfant de Loda, une voix de leur terre brumeuse, pour évoquer d’en haut les fantômes des morts. Il demeurait sur une montagne de Lochlin, au milieu d’une forêt dépouillée de ses feuilles. Près de là, rugissait un torrent, et cinq pierres dressaient leurs têtes. Souvent il élevait sa voix sur les vents, quand leurs ailes nocturnes étaient enflammées par les météores et que la lune au noir vêtement descendait derrière la colline. Il était entendu des fantômes ! Ils venaient à sa voix avec le bruit des ailes de l’aigle, et sur les champs de bataille, ils changeaient le sort des combats, en présence des rois des hommes.

  1. Ce passage fait allusion à une coutume usitée chez les anciens rois d’Écosse : ils s’éloignaient de leur armée la nuit qui précédait le combat. L’histoire qu’Ossian raconte dans le paragraphe suivant a trait à la chute des Druides.