Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/251

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« Fils de Comhal, répondit le chef, la force manque au bras de Morni. J’essaie de tirer l’épée de ma jeunesse, mais elle reste immobile. Je jette ma lance, mais elle tombe avant le but, et je sens le poids de mon bouclier. Nous nous flétrissons comme l’herbe de la colline : notre force ne revient plus. J’ai un fils, ô Fingal ! son âme s’est réjouie des hauts faits de Morni ; mais son épée ne s’est point encore levée contre l’ennemi ; sa renommée n’a point encore commencé. Je viens avec lui à la guerre pour diriger son bras dans le combat. Sa gloire sera une lumière pour mon âme à l’heure sombre de mon départ. Oh ! puisse le nom de Morni être oublié parmi les guerriers ! puissent les héros se dire seulement : Regardez le père de Gaul ! »

« Roi de Strumon, répondit Fingal, Gaul lèvera l’épée dans le combat ; mais il la lèvera près de Fingal : mon bras défendra sa jeunesse. Mais repose-toi dans les salles de Selma et prête l’oreille à notre renommée. Dis qu’on accorde la harpe et que la voix du barde s’élève, afin que ceux qui vont tomber se réjouissent dans leur gloire, et que la joie rayonne dans l’âme de Morni. Ossian, tu as combattu plus d’une fois ; le sang des étrangers est sur ta lance ; que ta course dans la mêlée soit la course de Gaul ; mais ne vous éloignez pas de Fingal de peur que l’ennemi ne vous surprenne seuls et que votre gloire ne s’éteigne en ma présence. »

Je vis Gaul sous ses armes et mon âme se confondit avec la sienne. Le feu des combats était dans ses yeux ! avec joie il regardait l’ennemi. Nous nous disions en secret les paroles de l’amitié ; les éclairs de nos épées jaillissaient ensemble, car nous les tirions derrière la forêt pour essayer la force de nos bras dans le vide de l’air.

La nuit descendit sur Morven. Fingal s’assit devant la lumière d’un chêne. Morni, à ses côtés, était