Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/323

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j’aperçois sombre dans le rocher, à travers les voiles légers du brouillard. Là, peut-être, Cuthullin est assis sur les vents qui inclinent ces arbres. Agréable est l’hymne du matin chanté par le barde d’Érin.

« Les vagues, chantait Carril, reculent de frayeur : car elles entendent, ô soleil, le bruit de ton approche. Terrible est ta beauté, fils du ciel, quand la mort descend sur ta chevelure, quand devant toi tu roules tes vapeurs sur les armées flétries ! Mais agréable est ta lumière au chasseur assis près d’un rocher dans un orage, quand tu te montres sur les nues divisées et que tu brilles sur ses cheveux humides. Il abaisse ses regards sur la murmurante vallée et voit descendre les chevreuils. Combien de temps encore te lèveras-tu sur les champs de la guerre et, bouclier sanglant, rouleras-tu dans les cieux ? Je vois la mort des héros, errer sombrement sur ta face ! »

« Où s’égarent les paroles de Carril, m’écriai-je ? Le fils du ciel connaît-il la douleur ? Inaltérable dans sa course, sans cesse il se réjouit dans ses feux. Roule donc, ô insoucieuse lumière ! Toi aussi tu dois tomber peut-être ! Peut-être, malgré tes efforts, ton heure de ténèbres te saisira, roulant à travers tes cieux ! Mais agréable est la voix du barde ! Elle plaît à l’âme d’Ossian comme l’ondée du matin quand elle descend dans la frémissante vallée que regarde à travers le brouillard le soleil se levant du sein de ses rochers. Mais ce n’est pas l’heure, ô barde, de s’asseoir à la lutte harmonieuse des chants. Fingal est en armes dans la vallée ; tu vois le bouclier flamboyant du roi. Entre ses cheveux s’assombrit son visage et il regarde la vaste ondulation de l’armée d’Érin. Carril, près du torrent, ne vois-tu pas cette tombe ? Trois pierres lèvent leurs têtes grises sous un chêne qui s’incline. Sous ces pierres un roi repose profondément. Donne son âme aux vents, ouvre-lui son palais aérien ! C’est le frère de