Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/336

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père sur ses vertes collines natales. À ma place, je m’attristais et des pensées brumeuses passaient sur mon âme. Les rois d’Érin se levaient devant moi. Je tire à moitié mon épée : mes chefs s’approchent lentement et lèvent sur moi leurs yeux silencieux. Semblables à une chaîne de nuages ils attendaient que ma voix éclatât ; ma voix qui pour eux était un vent venu du ciel pour chasser les brouillards. »

« J’ordonnai que mes blanches voiles se déployassent au vent rugissant de Cona. Trois cents jeunes guerriers voguant sur les flots fixaient leurs yeux sur le bouclier de Fingal. Il était suspendu au haut du mât et se réfléchissait dans la mer profondément bleue. Mais quand descendit la nuit je frappai de temps en temps sur la bosse du signal[1] ; je frappai et je cherchai au ciel Ul-érin[2] à la chevelure enflammée. L’étoile des cieux n’était point absente : rouge, elle voyagait entre les nuages et je suivais la lumière charmante sur l’abîme faiblement éclairé. Avec l’aube, Érin se leva du sein des brouillards. Nous entrâmes dans la baie de Moi-lena où les vagues bleues roulent au milieu des bois qu’habitent les échos. C’est-là que Cormac dans sa demeure secrète, évitait la force de Colc-ulla ; mais seul il n’évitait pas l’ennemi. Près de lui brillaient les yeux bleus de Ros-crana : Ros-crana, la fille du roi, la vierge aux blanches mains ! »

« Appuyé sur sa lance sans pointe, Cormac aux cheveux gris s’avance à pas chancelants. Il souriait sous ses cheveux flottants, mais la tristesse était dans son âme. Il nous vit en petit nombre devant

  1. Les boucliers avaient sept bosses principales : chacune d’elles rendait un son particulier servant à donner un signal particulier.
  2. Ul-érin « le guide vers l’Irlande, » étoile connue sons ce nom du temps de Fingal.