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CHANT PREMIER.

Dans la chasse il brillait au milieu des ennemis : tu ne connus jamais la crainte, ô Duth-maruno !

« Fils de l’audacieux Comhal, vais-je porter mes pas à travers la nuit ? À l’abri de mon bouclier, dois-je observer leurs brillantes tribus ? Starno, roi des lacs, est devant moi, et Swaran, l’ennemi des étrangers. Ce n’est point en vain que leurs paroles sont prononcées sur la pierre sacrée de Loda.[1] — Si Duth-maruno ne revient point, son épouse restera solitaire dans sa demeure, sur la plaine de Crathmo-Craulo, où se rencontrent deux torrents rugissants. Autour sont des collines avec leurs bois pleins d’échos et l’océan roule auprès. Mon fils, jeune promeneur à travers les champs, suit des yeux les criards oiseaux de la mer. Donne à Can-dona la tête d’un sanglier et dis-lui la joie de son père, lorsque la force hérissée[2] d’Ithorno s’élançait sur sa lance levée. Raconte-lui mes hauts faits dans la guerre et dis-lui où son père est tombé ! »

Plein du souvenir de mes aïeux, dit Fingal, j’ai volé sur les mers. Leurs temps étaient ceux du danger dans les jours d’autrefois. Les ténèbres de la crainte ne descendent point sur moi, en face des ennemis, quoique jeune par ma chevelure. Chef de Crathmo-craulo, c’est à moi de veiller dans le champ de la nuit. »

Fingal s’élance tout armé et franchit à pas larges le torrent de Turthor qui, dans les ténèbres, envoyait ses rugissements sourds à travers la vallée brumeuse de Gormal. Un rayon de lune brillait sur un rocher et dans le milieu se tenait une forme majestueuse ; une forme, avec des boucles flottantes, et semblable aux filles aux seins blancs de Lochlin. Ses pas sont

  1. La pierre sacrée, ou pierre du pouvoir ; c’était probablement l’image de quelque divinité.
  2. La force hérissée : le sanglier.