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CARTHON

du peuple. Le festin fut étalé et la nuit se passa dans la joie. « Où est le noble Clessammor, dit le blond Fingal ; où est le frère de Morna, à l’heure de ma joie ? Triste et sombre il passe ses jours dans la vallée de Lora. Mais le voici ! Il descend de la colline comme un coursier vigoureux qui sent ses compagnons dans la brise, et secoue aux vents sa brillante crinière. Bénie soit l’âme de Clessammor ! Pourquoi si longtemps absent de Selma ? »

Le chef, répondit Clessammor, revient donc au milieu de sa gloire ? Telle était la renommée de Comhal dans les combats de sa jeunesse. Souvent nous passâmes du Carun sur la terre des étrangers : nos épées en revenaient, mais non vierges de sang ; et les rois du monde ne se réjouissaient pas. Mais pourquoi me rappeler le temps de mes guerres ? L’âge a mêlé sa neige à mes cheveux ; ma main oublie de bander l’arc et je lève une lance plus légère. Oh ! si ma joie pouvait renaître, comme au temps où pour la première fois je vis la jeune fille, la vierge aux seins blancs des étrangers, Moina aux yeux bleus ! »

Dis-nous, reprit le puissant Fingal, l’histoire de tes jeunes années : la tristesse, comme un nuage sur le soleil, répand son ombre sur l’âme de Clessammor. Seul, sur les rives de la mugissante Lora, tes pensées sont pleines de deuil. Dis-nous les chagrins de ta jeunesse et l’obscurité de tes jours !

Ce fut aux jours de la paix, reprit le grand Clessammor, que j’arrivai, dans mon navire bondissant, sous les murs et les tours de Balclutha. Les vents avaient mugi derrière mes voiles, et les ondes de Clutha reçurent mon vaisseau au noir poitrail. Je restai trois jours au palais de Reuthamir, et je vis sa fille, ce rayon de lumière. La joie de la coupe circula, et le vieux guerrier me donna la beauté. Son sein était comme l’écume sur la vague, et ses yeux