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I


Deux faits, d’ordre purement social : — la misère et les travaux forcés, qui en font sinon naître au moins amplement fleurir un troisième d’ordre psycho-physiologique : — l’épilepsie, dominent toute la vie et toute l’œuvre de Dostoïevsky.

« Je suis un prolétaire des lettres, écrit-il[1], je n’ai produit aucune œuvre qui ne fût payée d’avance... Il m’est arrivé très souvent que le commencement d’un chapitre de roman était déjà sous presse alors que la fin en était encore dans ma tête et devait absolument être écrite le lendemain. La besogne à laquelle m’obligeait le manque d’argent m’étouffait et me rongeait. Ah ! si j’avais eu de l’argent, l’avenir assuré... »

Cette misère, l’épilepsie et le séjour en Sibérie marquèrent sur son existence des traces que la mort seule effaça.

Dostoïevsky naquit dans un asile pour les pauvres[2] dont son père était chirurgien ; dès le berceau, son regard rencontra des malades. Il avait sept ans lorsque sa mère, de très faible santé, mourut. Son père était un homme nerveux, emporté ; il aimait à répéter qu’il était pauvre, que ses enfants devaient se préparer à faire leur chemin eux-mêmes et qu’à sa mort, ils seraient réduits à la mendicité.

  1. Correspondance.
  2. Le 30 octobre (vieux style) 1821, à Moscou.