Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/158

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« J’ai pitié de notre pauvre père, — écrit Dostoïevsky en 1838 à son frère André[1] — il est bon, mais quel étrange caractère ! J’ai envie de pleurer à la pensée que rien ne peut le consoler ! »

Le futur romancier entre à l’école des ingénieurs militaires, mais les sciences exactes ne l’attirent guère. Il apprend par cœur Schiller, Homère le passionne. « Dans l’Iliade, Homère a donné au monde antique des préceptes sur l’organisation de la vie spirituelle et matérielle avec autant de puissance que, plus tard, le Christ apportant son enseignement au monde nouveau[2] ? » Racine et Corneille l’éblouissent. « Comment dois-je t’appeler quand tu trouves que Phèdre n’est pas l’expression la plus pure et la plus haute de la nature et de la poésie ! C’est presque une œuvre de Shakespeare... As-tu lu le Cid ? Lis-le et tombe aux pieds de Corneille[3] ! »

Lui-même, il s’agenouille dévotement devant Gogol — son maître préféré — et devant George Sand. Plus tard, après la mort de Sand, Dostoïevsky lui consacra des pages qui sont parmi les meilleures de son œuvre.

« L’apparition de George Sand dans la littérature coïncide avec les premières années de ma jeunesse. Je suis fort heureux que cela soit déjà si loin, car, à présent que trente années se sont écoulées, je puis parler en toute franchise... Les œuvres de Sand produisirent sur moi l’impression la plus vive. Je fus frappé de cette chaste et haute pureté des types, de l’idéal de grâce modeste, du ton grave et réservé de la narration. J’avais à peu près seize ans, si je m’en souviens bien, lorsque je lus pour la première fois sa nouvelle l’Uscoque. Je me rappelle avoir passé une nuit enfiévrée à la suite de cette lecture.

  1. Correspondance.
  2. Id. Lettres à son frère.
  3. Id.