Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/226

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ne t’aimera jamais pour ta figure. Ainsi, tâche d’être brave et d’avoir beaucoup d’esprit. » Cette laideur froissa toujours l’amour-propre de Tolstoï, elle est la cause de sa timidité. Car, jusqu’à sa conversion qui amena le changement complet de toute sa vie, il resta un timide.

Après la mort de la mère, une parente éloignée, Mme Ergorskaïa se chargea de l’éducation des enfants : quatre garçons et une petite fille. En 1837, la famille Tolstoï quitta Iasnaïa-Poliana pour aller habiter Moscou, le frère aîné de Léon Nikolaïévitch ayant été obligé de se préparer à l’Université.

Mais, l’été de la même année, mourut le père de Tolstoï, et Mme Ergorskaïa, pour diminuer les dépenses, retourna avec les enfants à Iasnaïa-Poliana. On y invita quelques séminaristes russes et des professeurs allemands. L’un de ces derniers est désigné dans Enfance sous le nom de Karl Ivanovitch.

Léon Nikolaïévitch se rappelle avec bonheur ces années de son enfance « Enfance ! heureux, heureux temps qui ne reviendra plus ! Comment ne pas chérir, comment ne pas caresser les souvenirs de cet âge ? Ils élèvent mon âme, la rafraîchissent et sont pour moi la source des plus douces joies.

Reviendra-t-elle cette insouciance du premier âge ? retrouverons-nous ce besoin d’aimer et cette foi ardente que nous possédions dans l’enfance ? Quel temps pourrions-nous préférer à celui-là où les deux plus douces vertus : la gaîté innocente et le besoin insatiable d’affection sont les seuls mobiles de notre vie ? Où sont ces prières brûlantes, où est ce don précieux, les larmes si pures de l’attendrissement ? La vie a-t-elle piétiné si péniblement sur mon cœur que je ne doive plus jamais connaître ces larmes et ces transports ? Ne m’en reste-t-il que les souvenirs ? »