Page:Ostwald - L’Évolution d’une science, la chimie, 1909.djvu/142

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quer la disproportion qui s’établissait peu à peu entre ses propres forces et la science nouvelle. Plus celle-ci avançait dans sa voie, plus il se sentait tenu de maintenir, sans le défigurer, ce qui avait rempli toute sa vie. Tout comme les motifs moins nobles dont il n’avait pas conscience, les plus hauts intérêts le poussaient à ne pas abandonner la lutte, mais à la soutenir jusqu’à son dernier souffle. La confusion entre la théorie et les faits, qu’il avait lui-même décrite auparavant, s’était produite dans son esprit, et il alla jusqu’à répéter que les vues de ses contradicteurs ne pouvaient être exactes, puisqu’elles étaient inconciliables avec la théorie électrochimique. Nous ne devons ni blâmer le grand homme ni nous en moquer ; notre jugement doit être guidé par une douleur respectueuse, quand nous sommes obligés de reconnaître combien étroites sont les bornes de la nature humaine, même chez les plus grands maîtres, sur lesquels la reconnaissance pourrait si facilement nous illusionner.

Ce conflit aigu entre l’ancienne théorie et la nouvelle en accentua aussi fortement que possible les divergences. Non seulement on rejeta les parties peu solides de la théorie électrochimique, mais on écarta même celles que l’on aurait pu conserver. La conception dualiste fut partout remplacée par une conception unitaire, aussi radicale qu’inopportune. Berzélius avait voulu, à toute force, attribuer