Page:Ostwald - L’Évolution d’une science, la chimie, 1909.djvu/266

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Pour nous maintenant, la tâche semble facile de découvrir dans cette voie les lois de l’inversion du sucre. Il suffit de remarquer que la vitesse de la réaction dépend de la masse du sucre, et tout est dit ; mais il faut bien se rendre compte que le concept de vitesse de réaction n’était pas encore formé au temps de Wilhelmy, et qu’on ne pouvait le créer sans anticiper en quelque sorte sur des résultats que l’on ne connaissait pas encore. Le chimiste qui étudie un mélange de réactifs ou des corps nouveaux à l’état de mélange naturel, ou qui veut obtenir par synthèse un produit encore inconnu, doit travailler en ménageant les propriétés du corps nouveau qu’il ne connaît pas encore ; de même, le théoricien doit créer un concept dans une branche nouvelle de la science, avant de savoir si le concept qu’il crée est bien celui qui convient le mieux. Le don remarquable, qu’on appelle le génie du savant, se montre alors dans le choix subconscient des mesures, qui le conduiront le plus rapidement au but encore inconnu. En fait, cet instinct de chimiste, ou plus généralement du savant, est fait de raisonnements par analogie, dont les détails échappent à la conscience de leur auteur. Ces opérations inconscientes de l’esprit sont possibles, elles se présentent même très fréquemment et ont par là une grande importance ; on peut s’en convaincre pour toutes les branches de l’activité intellectuelle. Qu’un peintre exercé