Page:Ostwald - L’Évolution d’une science, la chimie, 1909.djvu/290

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réalisé par Berzélius, ne fut autre que Liebig. Comme tous les réformateurs, Liebig a lutté pendant une grande partie de sa vie contre les tendances retardatrices de ses contemporains ; sauf quelques erreurs de détail, il a presque toujours eu raison. Mais ici il a eu la main malheureuse, non pas tant parce qu’il avait tort, mais surtout parce qu’il prêta à l’erreur populaire l’appui de sa haute personnalité. Les erreurs des grands hommes, représentant le tribut qu’ils paient à la façon de penser de leur temps, se répandent et agissent beaucoup plus vite que leurs idées neuves et justes. Leurs erreurs ne vont pas, comme les idées nouvelles, à l’encontre de la manière de voir de l’époque, elles n’ont pas à lutter contre la force d’inertie, qui est toujours là pour s’opposer au progrès. Le conflit, qui s’était élevé entre eux à propos de la constitution des combinaisons, fut pour Liebig l’occasion d’attaquer Berzélius. Les vues sur le dualisme chimique formaient partie intégrante de la science pour Berzélius, qui, dans ses revues annuelles, avait souvent jugé avec assez d’injustice Liebig et ses idées réformatrices. Berzélius ne pouvait rendre pleine justice aux grands travaux de Liebig, dont les tendances en chimie physiologique lui inspiraient une certaine prévention. Des rapports extrêmement tendus s’étant établis entre Liebig et Mitscherlich, Berzélius poussa bientôt les choses à l’extrême.