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XI

le cours des événements, dans l’ordre physique et dans l’ordre mental, a forcé à reprendre les vieux problèmes. Il les a soumis à de nouvelles méthodes, elles, toujours élargies, mieux coordonnées, mieux aidées par l’observation, l’expérimentation, l’instrumentation. Aucun fait, aucun domaine n’échappe plus à l’emprise possible des méthodes. Si bien que désormais tout est déclaré, non pas connaissable, non pas soluble, mais continuellement, toujours soumise à recherche, à essai, à invention, à accroissement par conséquent, quels que soient la forme des problèmes, les desiderata de la création.

La Pensée est-elle vraie, l’action est-elle bonne, l’œuvre est-elle belle ? Des faits, les idéals Vérité, Bonté, Beauté se sont dégagés et ont été reportés en attribution à la Divinité. Mais quel fondement posséderait le monde humain, le monde de la pensée, du sentiment et de l’action, si le monde réel, naturel, est illogique, mauvais et laid ? Tandis que les penseurs tournaient et retournaient le problème, les hommes de la pratique, élevaient même leur point de vue au rang d’un système (pragmatisme) allant de l’avant toujours, toujours, partout, partout. Ils édifiaient une civilisation nouvelle, faisant appel à l’organisation, mettant en œuvre l’homme le plus éduqué et discipliné, la machine plus docile et plus puissante, le capital d’avantage accumulé et assoupli pour toutes les situations. Les réalisateurs travaillaient à faire marcher des organismes de plus en plus considérables.

De même que la science a fait reculer les limites de l’ignorance, l’organisation a fait reculer celles du désordre. Et voilà le Monde — cette partie du monde tout au moins assigné à l’habitat humain et cette partie du milieu naturel susceptible d’emprise et de maîtrise par l’homme —, voilà le Monde lancé dans un processus d’organisation intégrale jusqu’à laisser entrevoir que l’Humanité, par des liaisons pacifiques et fécondes entre tous ses membres, deviendra un jour une unité organique, comme la Terre elle-même l’est devenue avec les cycles reliés de tous ses mouvements (Geon).