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la science et celles de la politique ! L’esprit scientifique analyse, distingue, calcule, pèse ; il imagine des méthodes infiniment délicates et constate l’existence d’infiniment petits (mesure des températures à 1/3000 degré, culture microscopique des bacilles, etc.). En politique, au contraire, ce sont de grandes approximations, des formules d’une vérité encore grossière. Le scalpel et le rasoir diatomique y sont remplacés par la hache qui se borne à équarrir. Autre chose serait impossible aujourd’hui car, en haut, pour celui qui manie l’outil du pouvoir, la science politique est trop vague, trop incertaine encore, et en bas, chez ceux qui sont conduits, ce sont des idéologues encore trop frustes. (Les historiettes les plus simplistes des religions marquent encore l’étiage de la compréhension de beaucoup de masses.) Mais cependant dans l’ensemble on peut dire que la politique interne des États tend aujourd’hui à passer du stade émotif et cahotique au stade rationnel et ordonné, en faisant une part de plus en plus grande aux sciences sociologiques. On peut le dire en deçà de certaines frontières, mais au delà ?

b) Malgré tant d’exceptions, il y a tendance à distinguer de plus en plus le technique et le politique, à ne confier des fonctions qu’à des compétences réelles et à enlever les fonctionnaires à la désignation directe du vote populaire ou de la faveur politique. Il y a déformation de la mentalité administrative sous l’influence de la politique. Le vrai esprit administratif consiste à faire abstraction des intérêts de personnes ou de faits dont vit la politique. Cette tendance s’accompagne de cette autre, que l’administration est organisée comme un ensemble de services publics destinés à satisfaire non les intérêts de l’autorité, mais ceux du peuple.

c) Les bases de la politique ont changé au cours des siècles. Pour l’époque moderne il n’y a plus de droits légitimes des souverains, plus de jugement de Dieu, plus d’autorité religieuse, plus de raison d’État, plus d’équilibre. Il ne reste d’autre base possible que la force ou le sentiment national ou l’organisation conforme à la liberté et à l’égalité, sanctionnée par des institutions juridiques