Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion aussi dense que celle de l’Inde et de la Chine centrale, elle contient près du quart des habitants du globe. Elle est depuis vingt-cinq siècles le principal foyer de rayonnement pour les sciences, les arts, les idées nouvelles. Le foyer s’est déplacé du Sud-Est au Nord-Ouest. Avec le temps, hors de doute cependant que l’égalité finira par prévaloir entre l’Amérique et l’Europe et aussi entre toutes les parties du monde. Ce sont les heureuses conditions du sol, du climat, de la forme et de la situation du continent qui ont valu aux Européens d’être arrivés à la tête de l’humanité et non la vertu propre des races qui la composent. L’Europe très dentelée, très entourée de mers a pu de bonne heure donner lieu à des émigrations et à un concours entre les hommes. En Asie, les hauts plateaux centraux ont enlevé toute unité géographique à l’accès des terres intérieures et des péninsules environnantes. L’Afrique présente une masse lourde et massive. L’Australie continentale est pleine de monotonie, privée de toute variété. L’Amérique du Nord, elle, a ressemblance avec l’Europe. L’Amérique du Sud est couverte de forêts et de nappes d’eau. Mais de plus en plus l’intervention de l’homme y crée la mobilité dans ce qui était immobile, et l’unité dans ce qui était séparé.

5. La forme générale des continents, les mers, et tous les traits particuliers de la terre ont dans l’histoire de l’humanité une valeur essentiellement changeante, suivant l’état de culture auquel en sont arrivées les nations suivant les circonstances. Ainsi la présente guerre aura momentanément attiré dans la grande circulation internationale des États que leur position géographique en avait tenus plutôt éloignés : les pays scandinaves notamment, devenus les couloirs entre la Russie et l’occident. Au sud, l’Espagne cesse d’être un bout de continent pour redevenir un couloir entre l’Europe et l’Afrique.

L’homme entreprend de soumettre le milieu qui l’entoure. Il y a une loi d’adaptation de soi au monde, mais aussi du monde à soi. « Les innombrables changements que l’industrie humaine opère sur tous les points du globe constituent une révolution des plus importantes dans les rapports de l’homme avec les continents eux-mêmes. La forme et la hauteur des montagnes, l’épaisseur des plateaux, les dentelures de la côte, la disposition des îles et des archipels, l’étendue des mers perdent, peu à peu de leur importance relative dans l’histoire des nations à mesure que celles-ci gagnent en force et en volonté[1] ».

6. La géographie conclut au rapport constant entre le sol (géologie, climat, ressources naturelles) et l’homme différemment civilisé. Ainsi, la composition et la disposition du sol déterminent la répartition des richesses sur le globe, et, les climats, les flores, les faunes conditionnent l’habitat de l’homme : un lien unit l’individu au sol qu’il

  1. Élisée Reclus, Géographie universelle. — A. de Foville, L’évolution géographique des civilisations, Revue Économique internationale, nov. 1910, p. 334.