Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/111

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peau, la foule). Les premiers sont les grands hommes, les héros, les génies, les chefs supérieurs. Leur action sur le développement social est grande. Ils sont considérés par les uns comme les produits du plus pur individualisme, capables de façonner à leur image originale les peuples qu’ils influencent. Les autres y voient au contraire les expressions synthétiques de leur milieu, les formulateurs (vates) de l’idée collective. À s’en tenir aux écrivains on fait cette constatation : il en est qui se bornent à traduire en formules retentissantes les idées qui règnent autour d’eux et à qui le succès vient immédiatement ; il en est d’autres qui conçoivent une idée originale et dont l’influence ne se marque qu’après des années de lente pénétration auprès d’autres écrivains d’abord et par ceux-ci jusqu’à la masse.

Il n’est pas possible de définir les génies et les êtres supérieurs, ni de les enclore dans une formule générale. « Le génie ne peut point être soumis à des lois parce qu’il est la plus haute manifestation de l’humanité ; et parce qu’il s’agit d’une individualité ; or le pouvoir de la science finit où commence l’individualité » (Brunetière). On peut cependant reconnaître trois éléments constituants du génie : 1° Une imagination vive accompagnée d’une ardente sensibilité. Elles se traduisent par une extraordinaire faculté d’inventer, de découvrir et d’innover. Inventions, découvertes, innovations, consistent essentiellement en des rapprochements d’idées susceptibles de se joindre et qui étaient isolées jusqu’alors. C’est la caractéristique de l’homme de génie de trouver ces rapprochements que les vulgaires ne sauraient jamais apercevoir. 2° Une ferme raison qui se marque par un sens critique aiguisé, faculté de révision, d’examen s’exerçant presque simultanément avec la création ou l’association des idées et discernant les idées qui ont une valeur de celles qui n’en ont aucune. 3° Un esprit de suite et la volonté de réaliser ce qui a été combiné dans la pensée. Sans énergie, sans puissance de travail, sans patience, les trouvailles de l’imagination restent vaines, l’inspiration est stérile, il n’y a pas production.

2. Tous les peuples ont honoré leurs grands hommes. Ils ont cultivé leur souvenir, étudié et commenté leurs actes et leurs œuvres ; ils leur ont élevé des statues et des monuments (Panthéons, Walhalla). Certains génies ont su exprimer l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus essentiel, de plus commun à tous les hommes, et par là ils sont devenus universels, chacun ayant reconnu une part de lui-même dans leurs œuvres ou le moyen d’agrandir sa propre âme. Ce sont les Artistes et les Poètes. Les grands Savants, les grands Philosophes, les grands Conducteurs des peuples sont aussi des génies universels par les conséquences mondiales de leurs découvertes, de leurs idées ou de leurs combinaisons politiques. A. Comte a proposé une Religion de l’Humanité fondée sur le Culte des grands hommes.