Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/137

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dans une idée d’unité supérieure, tous les faits reconnus exacts. À peine la synthèse existe-t-elle que de nouvelles découvertes sont réalisées qui ne cadrent plus avec le système arrêté et bientôt une synthèse nouvelle, plus large, plus compréhensive est rendue nécessaire. Ainsi en est-il des structures sociales. Elles doivent périodiquement être construites sur la base de nouveaux faits et de nouvelles idées et s’étendre à de nouvelles sphères. L’évolution c’est donc l’adaptation continuelle. La société, ou, d’une manière plus concrète, les hommes qui composent une société, font un effort constant pour adapter leur vie et leur constitution sociale aux changements apportés au milieu. Adapter c’est appliquer une chose à une autre ; s’il s’agit d’un organe, c’est le rendre plus apte à sa fonction. Un organe est adapté lorsque, entre diverses manières d’être possible, il réalise celle qui lui assure le maximum d’efficacité. Un être tout entier est adapté quand ses divers organes le sont. Et une société est bien adaptée quand les services collectifs (qui sont les analogues des fonctions) et les institutions (qui sont les analogues des organes) sont agencés de manière à réaliser les conditions optima. Les immenses modifications qui étaient survenues dans le milieu mondial au commencement du XXme siècle ont conduit à ce résultat que les sociétés ne sont plus adaptées aux conditions nouvelles. Au XIXme siècle nous avons assisté à une crise des idées et des croyances pour les adapter aux acquis de la science ; à une crise constitutionnelle d’où sont sortis les gouvernements démocratiques ; à une crise sociale d’où est sortie la législation sociale. Nous assistons à la crise des relations internationales, qui n’est, elle aussi, qu’une crise d’adaptation. Et ce n’est pas en cherchant à rétablir le statu quo ante bellum, ni en préconisant des solutions basées sur l’immuabilité des anciens droits acquis, aujourd’hui en opposition avec l’évolution accomplie, que l’on peut arriver à des solutions viables.


233.4. LES FORCES SOCIALES.. — 1. Dans l’évolution sociale, dont nous venons de dire comment tous les stades sont marqués par l’adaptation aux circonstances, des forces considérables entrent en action, forces antécédentes qui déclanchent ou mettent en liberté des forces conséquentes. Les agents des grandes transformations sociales sont multiples : les guerres et les religions (Fustel de Coulanges) ; les intérêts matériels (Karl Marx) ; les inventeurs en art militaire, en politique, en religion et en industrie ; les grands hommes et héros (Carlyle) ; les élites connues ou anonymes (Tarde). La solution des problèmes sociaux exige une connaissance aussi parfaite que possible du jeu de toutes ces forces qui traversent en divers sens la masse sociale. Nombreuses sont les forces déjà faciles à discerner, nombreuses celles dont on ne peut encore distinguer les traits. À chaque moment c’est le parallélogramme de toutes les forces existantes qui détermine la direction de la masse. Pratiquement c’est le sens de cette direction qui