Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/192

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domination étrangère (les Belges, les Serbes, les Monténégrins). — D’autres, qui n’ont pu réaliser encore leurs aspirations nationales, se sont trouvés impliqués dans les opérations militaires dès les premières heures de la guerre ; ils ont été obligés de livrer leurs enfants aux deux groupes d’armées en présence et de s’entre-tuer par ordre (Alsaciens-Lorrains, Juifs, Lithuaniens, Polonais, Ukrainiens) ; ils ont dû s’imposer les sacrifices de leurs biens et de la transportation pour la défense loyale de l’État dont ils font partie, alors que cet État leur refuse le s franchises intérieures les plus essentielles (Lettons, Lithuaniens) ; certains ont subi, sans résistance possible, les plus épouvantables mesures d’extermination (Arméniens). — De nombreuses nationalités subissent des conditions de vie nationale restrictives de liberté, mais conformes à la politique d’impérialisme et de domination des États dont, intégralement ou principalement, ils font partie ; leurs oppresseurs poursuivent systématiquement leur dénationalisation pour mieux réaliser un faux idéal d’unité, opposé à l’idéal vrai de fédération et d’autonomie (nationalités de l’Autriche-Hongrie, de l’Allemagne, de la Russie). — Enfin des nationalités constituées en États indépendants voient une partie de leurs co-nationaux rattachés par la force à d’autres États, où ils ne jouissent pas d’ailleurs d’un traitement égal (nationalités balkaniques).

À cette heure de commotion européenne, tous ces peuples souffrent intensément ; ils frémissent d’indignation, de crainte, d’espérance. Continueront-ils à être les victimes sanglantes d’une exécrable politique nationale et internationale, ou seront-ils enfin assurés de la liberté, de la sécurité des vies et des biens et, avec elles, des moyens d’atteindre leur développement, précieux pour la civilisation universelle non moins que pour eux-mêmes ? La réponse dépendra avant tout des efforts dont ces peuples seront capables.

242. Données du problème des nationalités.


1. Les nationalités sont des faits naturels, dus à des facteurs biologiques, géographiques et historiques, qu’il est au-dessus de l’arbitraire des hommes de pouvoir méconnaître ou modifier souverainement.

2. Le droit des nationalités, si grandes ou si petites soient-elles, à vivre, à se développer et à disposer d’elles-mêmes est un droit primordial qui repose sur les mêmes principes que les droits fondamentaux de l’homme lui-même, attendu que la nationalité libre peut seule créer à l’homme le milieu nécessaire à l’exercice complet de ses facultés.

3. La diversité des nationalités est un facteur précieux du progrès. Chacune d’elles peut faire, apport à la communauté humaine de ses qualités et caractéristiques propres et enrichir ainsi la civilisation