Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/202

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L’Allemagne, l’Angleterre, les États-Unis, la France, et ensuite l’Autriche, la Russie et l’Italie sont de grandes puissances économiques internationales. Il n’en a pas toujours été ainsi. La Flandre, la Hollande, l’Espagne ont dans le passé occupé ce rang et se sont laissées devancer. De nos Jours une nouvelle puissance industrielle est née, l’Allemagne. Ses procédés techniques, commerciaux, financiers ont, avec ceux de l’Amérique du Nord, renouvelé la vie économique. La France, l’Angleterre, les pays latins se sont crûs économiquement dépassés, menacés. Que sortira-t-il de la présente guerre ? L’Allemagne sera-t-elle économiquement réduite ou l’apathie économique des autres peuples sera-t-elle excitée ?

Deux conclusions générales se dégagent de l’examen comparé de la Puissance économique des États : 1° Chaque peuple doit faire effort pour tenir son rang dans la concurrence des nations. La continuité dans la volonté d’aboutir, l’amour du travail, la connaissance parfaite des faits économiques auxquels certains peuples ont dû leur prospérité ou la ruine, celle des milieux où l’on opère et des méthodes à employer, voilà les conditions essentielles du succès. Si un peuple répugne aux entreprises, s’il n’a de goût que pour la bureaucratie et les placements en valeurs à faible revenu, il devra se résoudre à demeurer un petit peuple économique et renoncer à jouer un rôle prépondérant. 2° Aucun peuple ne doit exercer une suprématie économique. Il n’y a pour les peuples de paix possible, et dans la paix de bonheur durable, que dans l’équilibre des forces économiques aussi bien que dans celui des forces militaires de chacun. Dès qu’il s’en trouve un pour tenter d’asservir les autres en accaparant tous les marchés le danger apparaît et grandit rapidement[1].


251.5. L’ÉCONOMIE, LA POLITIQUE ET LES GUERRES. — 1. Avant la guerre deux théories pacifistes commençaient à faire leur chemin dans le monde des affaires et de la politique. a) Que l’évolution économique des temps modernes avait rendu désormais impossible d’obtenir aucun avantage social ou économique par la conquête : la ruine était le résultat de la guerre même pour le vainqueur[2]. b) Que le développement du commerce et de l’industrie aura pour effet de clore l’ère belliqueuse et d’ouvrir celle des luttes pacifiques grâce à la solidarisation universelle des intérêts économiques. Que faut-il conclure depuis la guerre au sujet de ces deux théories ?

En ce qui concerne la première, il faudrait attendre la fin des hostilités pour conclure avec certitude. Il est à croire cependant que tous les avantages économiques et sociaux à résulter d’une guerre seront

  1. Raoul Péret, Puissance et déclin économiques de l’Allemagne.
  2. Cette théorie fut surtout développée par Norman Angell (Ralph Lane) dans son livre : La grande illusion. L’économiste russe J. de Bloch avait esquissé avant lui la même idée dans son ouvrage sur la guerre.