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lutte contre des monopoles commerciaux artificiels. On peut donc dire que la disparition de ceux-ci fait cesser une source de conflits armés et que la liberté des échanges est une condition de paix[1]. Une remarque cependant. L’école du matérialisme économique donne aux causes économiques des guerres une place trop exclusive. Il y a d’autres guerres que des guerres économiques ; il y a d’autres mobiles encore que les affaires aux guerres proprement économiques. La guerre est un phénomène synthétique, c’est une direction donnée à un moment donné au courant de toutes les forces sociales. On y retrouve associés et entremêlés tous les facteurs. Il faut donc s’entendre lorsqu’on qualifie d’économiques certaines guerres. La vérité paraît pouvoir s’établir ainsi : les intérêts économiques sont parvenus à produire certaines guerres ; ils ont été des adjuvants de cause de certaines autres ; des objectifs économiques ont surgi souvent au cours des guerres ; enfin presque toutes ont eu des conséquences économiques, volontaires ou naturelles, directes ou indirectes, immédiates ou lointaines.


251.6. UN TYPE DE RIVALITÉ ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE : ANGLETERRE ET ALLEMAGNE. — La guerre, prétendent les Allemands, est une guerre déclarée par les Anglais au « commerce allemand ». Au XVIIme siècle, les luttes anglo-hollandaises naquirent de la jalousie ressentie par l’Angleterre au spectacle du contrôle exercé par la Hollande sur les transports maritimes. Au XVIIIme siècle la révolution américaine naquit du Navigation Act, que des marchands anglais avaient provoqué afin de restreindre le commerce des colonies. Au XXme siècle la guerre anglo-allemande serait née de la jalousie envers l’Allemagne. Que vaut une telle allégation ?

1. L’industrie moderne a commencé à se constituer en Angleterre à la fin du XVIIIme siècle et au commencement du XIXme. Ce n’est que plus tard que le continent suivit l’exemple de l’Angleterre. Celle-ci jouissait donc depuis cette époque d’un monopole de fait sur un grand nombre de marchés. L’Allemagne s’est efforcée de le lui ravir. Dès 1885, la commission anglaise nommée pour étudier les causes de la dépression du commerce concluait que les industriels anglais ne faisaient pas une opposition suffisamment efficace à la rivalité allemande. Plus tard, le mouvement en faveur du « Tariff Reform », associé à la personne de Chamberlain, était une véritable défende contre la vigueur des attaques allemandes. La guerre sud-africaine avait provoqué dans le commerce anglais un état stationnaire qui se maintint plusieurs années. Le supplément d’impôt nécessité par cette entreprise réagit naturellement sur le monde des affaires. Il y a une douzaine d’années une misère profonde régnait dans les classes inférieures anglaises.

  1. Paul Descamps, La question du Pacifisme. Documents du progrès. Juillet 1915, page 190.