Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le marché ainsi triplé, quadruplé, décuple, même dans son étendue et dans ses facultés d’absorption, bien qu’il demeurât toujours encore national, il fallait produire davantage, et pour produire davantage il fallait produire autrement. Ne pouvant accroître le nombre des ouvriers, on songea tout naturellement à la production mécanique.

Dans le dernier tiers du XVIIIme siècle, grâce aux recherches des professionnels et des savants dans les industries des mines, du coton, du fer, de la papeterie, des transports, de l’éclairage, des produits chimiques, une profonde transformation de l’outillage et de la production s’est ébauchée. Elle est visible surtout en Angleterre, en France, aux États-Unis. La grande industrie, maîtresse de la vapeur (Watt), et désormais liée à la science, s’y est organisée sur un modèle nouveau qui va se propager à travers le monde[1]. D’Angleterre et de France, pays où la grande industrie eut son origine, les courants d’imitation se sont dirigés de l’Ouest à l’Est, traversant le Luxembourg, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, bifurquant de là sur la Russie d’une part, sur les pays balkaniques d’autre part. Ils se sont propagés aussi du Centre au Nord par la Belgique, les Pays-Bas, les Pays Scandinaves, et du Centre au Sud, poussant à travers les Alpes jusqu’en Italie et en Grèce, à travers les Pyrénées jusqu’en Espagne et en Portugal. En Amérique, le courant a commencé à venir du vieux monde. Il a marché de l’Est à l’Ouest, du Sud au Nord, vers le Canada, et, dans la direction contraire, vers le Mexique et l’Amérique du Sud. L’Asie a été entamée par terre et par mer ; deux ondulations marquées par les chemins de fer transcontinentaux vont d’Occident en Orient ; puis venant de toutes les colonies européennes, des Indes en particulier et de l’Australie, l’ébranlement a gagné le Japon et est en train de se faire sentir à la Chine. En Afrique, c’est de toutes les côtes vers le centre que convergent les lignes de pénétration.


252.2. CARACTÉRISTIQUES DE L’INDUSTRIE MODERNE. — L’industrie moderne ne ressemble plus à ce qu’était celle de nos pères. Esquissons-en les traits essentiels, en ne perdant jamais de vue que, dans l’état actuel de solidarité du monde, la réalisation de tout type industriel supérieur exerce immédiatement une influence internationale, tant comme modèle imité que comme abaisseur de concurrence.

1. L’industrie est devenue chose formidable que la science, transformée en technique, domine tout entière. On se refuse à laisser encore quelques domaines à l’empirisme. Les pratiques traditionnelles n’ont pas été abandonnées sans doute, mais on les a analysées et soumises à une étude théorique approfondie pour déterminer les causes des phénomènes. La conviction que tout se transforme avec la plus

  1. G. Renard et A. Dulac, L’évolution industritelle et agricole depuis cent cinquante ans.