Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/260

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naux au point de vue commercial et religieux, et la faculté d’établir un dépôt de charbon dans chacun des trois archipels ; dépôt qu’ils pourraient conserver même en temps de guerre. On a parlé souvent de la cession des colonies portugaises. La cession des colonies françaises lointaines (Tonkin, Annam et Cambodge) a été mise en avant. Les Allemands ont envisagé les possibilités de cessions semblables. « Si la population de la France diminue, disaient-ils, comme elle l’a fait dans ces derniers temps, on peut calculer le moment où elle sera obligée de s’adresser à ses voisins pour avoir des hommes. Auparavant elle s’estimera heureuse de céder ses colonies à la nation la plus forte[1]. »

Le statu quo ad vitam æternam du territoire colonial ne se justifierait pas. D’autre part, il faut éviter que ce statu quo ne soit modifié par la méthode violente. Entre États inégaux le problème se pose, plein d’analogies avec le problème social (trop de riches en présence de trop de pauvres ; latifundia perdidere italiani ; la thèse chrétienne de la fortune, simple usufruit entre les mains de ses détenteurs, avec obligation de mettre les biens en valeur ; la thèse socialiste d’Henry Georges de la nationalisation des terres, de la répartition nouvelle des terres, etc., etc.). Sur 135 millions de kilomètres carrés de superficie d’espace habitable île notre planète, l’Angleterre en possède 32,8 % ; la Russie 19,7 % ; la France 11 % ; les États-Unis 9,6 % ; les autres pays 26,9 %. L’Angleterre n’a pas toujours possédé ses colonies et par conséquent le statu quo n’est pas à son égard une vérité évidente. L’Allemagne se plaint de ce que l’Angleterre s’est accaparée de ses colonies par des procédés militaires et revendique aujourd’hui pour elle le même droit. À la vérité elle ne remarque pas toute la différence des circonstances historiques.

On pourrait arriver à organiser un droit et une procédure d’expropriation des colonies pour cause d’utilité internationale, moyennant juste et préalable indemnité. L’utilité internationale ainsi que les conditions seraient déterminées par les Parlements internationaux ou les Congrès des nations. Une loi générale établirait le régime de ces conditions, c’est-à-dire la définition de ce qu’il faut entendre par colonie cessible (par exemple des territoires dont la population comprendrait moins de x % d’éléments nationaux de l’État cédant), les cas dans lesquels il y aurait lieu à revendication du droit d’expropriation (par exemple lorsque l’État acquéreur pourrait montrer une vitalité économique évidente, population et production, tandis que l’État cédant aurait fait preuve aussi manifeste de stagnation ? Si vraiment, l’attribution par des procédés légaux des colonies, laissées quasi en friche par les Portugais, aux Allemands, prolifiques, laborieux et organisateurs, avait pu empêcher ou retarder la guerre, le monde entier, y compris les Portugais, n’y aurait-il pas consenti ?

  1. Joachim von Bulow, West-Marokko, Deutsch ? 1911, p. 23.