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de méthodes particulières : l’histoire naturelle, l’anatomie, la morphologie, l’histologie, la physiologie, l’embryologie, la paléontologie. Ces sciences ne sont plus que des aspects sous lesquels sont envisagés successivement les mêmes objets. Ceux-ci, les êtres vivants, sont constitués en série continue, rattachés d’une part au monde inorganique par d’insensibles transitions, prolongés d’autre part jusqu’aux êtres pensants et aux sociétés les plus évoluées. L’interdépendance de la biologie, de la psychologie et de la sociologie est complète, et par là toute la structure des sciences de l’esprit des sciences dites morales et politiques se rattache à celle des sciences de la nature. L’histoire, l’antique histoire elle-même, se métamorphose ; de descriptive ou statique, elle se fait cinématique, enchaînant les faits en un mouvement continu ; elle se fait dynamique, cherchant les rapports de cause à effet et s’efforçant de devenir une psychologie et une sociologie dans le temps.

Ainsi graduellement, et grâce à l’étude des relations interscientifiques, l’époque actuelle arrive à une conception rationnelle du monde, à une systématisation de tous les faits connus. Internationalement elle met en ordre les matériaux recueillis. Aux « encyclopédies » simples collections de faits, voici qu’elle fait succéder des « sommes », monuments d’idées. Elle les réalise non plus par l’œuvre d’un seul, mais par l’œuvre continue et additionnée des collectivités, qui fixent les résultats acquis et concrétisent son propre génie. Leur labeur aboutit bien à la synthèse de tout le savoir, car il s’associe à celui de puissantes individualités. L’évolution de la pensée humaine exige en effet périodiquement l’apparition d’intelligences systématiques qui marquent l’étape et incarnent l’esprit d’un siècle. Ces penseurs sont indispensables au progrès paisible des idées et à la continuité des civilisations[1].

263.2. L’UNIFICATION DES INTELLIGENCES PAR LA SCIENCE. — L’union intellectuelle du monde est un fait accompli. Elle est le résultat direct, des progrès de la science et la condition de la méthode positive appliquée aux travaux scientifiques. Les sciences sont pure raison. Elles agissent constamment pour l’unification de l’esprit humain et pour le rapprochement des nations. Le rationalisme, basé sur l’observation et l’expérimentation, élargit l’esprit de l’individu jusqu’aux limites de l’esprit de l’humanité tout entière. D’autre part le mouvement d’organisation intense du monde auquel nous assistons est essentiellement un mouvement d’ordre scientifique. Il con-

  1. Pointcaré, La valeur de la science. — Frederico Enriques, Les concepts fondamentaux de la science. — Émile Picard, La science moderne. — W. Ostwald, L’évolution d’une science, la chimie. — Félix le Dantec, Science et conscience. — E. Boutmy, La vérité scientifique, sa poursuite. — Gustave Le Bon, La vie des vérités.