Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/302

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siste dans l’application de procédés rationnels à des domaines de la vie politique et de la vie sociale où ne régnaient jusqu’ici que l’empirisme et le hasard. Aujourd’hui tout se raisonne. De part et d’autre les adversaires formulent des raisonnements. C’est donc d’abord parce qu’on obéit au besoin humain de raisonner sa conduite et d’harmoniser, de concilier sa volonté et sa raison. C’est ensuite qu’on espère pouvoir convaincre. On a la foi diffuse en la possibilité de rendre clairs aux yeux d’autrui les motifs de sa conduite et de les faire approuver. Mais toute discussion pour aboutir a besoin de critères, d’axiomes, de principes communément admis. Quels sont ceux qui peuvent exister en ce moment dans le monde ? Au moyen âge l’Europe, qui n’avait affaire d’ailleurs qu’à elle-même, était chrétienne, et le christianisme n’était autre que le catholicisme. Dans les discussions elle se référait à la Bible et à ceux qui avaient été chargés de l’interpréter souverainement. La Bible ne peut plus être le fondement commun des croyances, d’une humanité internationalement organisée. Le christianisme n’est pas la religion de toute la terre : il y a l’Islamisme, l’Hindouisme, le Bouddhisme, sans parler de toutes les autres religions de moindre aire de diffusion. Puis les chrétiens sont divisés en catholiques, orthodoxes et protestants de toutes les sectes. Enfin l’autorité de la Bible a diminué parmi les chrétiens eux-mêmes. Elle est, par les croyants mêmes, mise de moins en moins en avant dans les questions qui ne sont pas de pure spiritualité ou d’organisation de l’Église ; la séparation entre le spirituel et le temporel se fait ainsi de plus en plus nette. Actuellement une seule autorité existe à laquelle tous peuvent se référer, c’est la Science, c’est-à-dire le corps organisé de toutes les connaissances acquises par l’expérience humaine, fondées sur l’observation réelle, toujours démontrable, révisable et accroissable. Il n’y a plus que la science à même de produire la communauté des opinions qui doivent assurer une utile intervention de l’homme dans les phénomènes sociaux.

263.3. RÔLE DU POUVOIR À L’ÉGARD DES INSTITUTIONS SCIENTIFIQUES.. — Le rôle des États n’a cessé de grandir dans le domaine intellectuel. « Il faut, dans un pays qui n’a plus d’aristocratie de race et où les aristocraties de fortune se dissipent presque aussitôt qu’elles sont fondées, il faut que l’État, qui est le riche, qui est le savant et qui a le loisir, prenne en mains les nobles causes que le travail, que l’entraînement des affaires et que le courant des choses positives font nécessairement perdre de vue à la masse de la société. L’État ne doit pas être seulement l’administrateur, le gendarme, la ménagère de la société, mais le tuteur des hautes études et le gardien de l’idéal. » (Jules Ferry.) Un rôle analogue est dévolu à la Société des Nations. Il lui appartient de développer l’organisation internationale des sciences. « Ce que doit apporter l’ère qui s’ouvre