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la Triple Entente non un caractère de défense d’intérêts communs, mais le but d’étouffer diplomatiquement et le cas échéant militairement l’Allemagne et l’Autriche. Ils voyaient là la fin de la politique d’Edouard VII, voulue en France par Poincaré, Delcasaé et Millerand.

La première phase des guerres balkaniques avait été une déconvenue pour la Triple Alliance. Celle-ci avait pris sa revanche dans la manière dont fut engagée la seconde guerre balkanique et dont elle se termina diplomatiquement. Les Austro-Allemands avaient tout un plan politique à faire aboutir.

À ces causes politiques il faut ajouter les causes économiques qui ont contribué en Allemagne à provoquer la guerre. Ces causes sont : a) La rivalité économique avec l’Angleterre. Crainte de l’Allemagne que cette rivalité ne conduisît l’Angleterre à une guerre à l’heure qu’elle choisirait, ou désir de sauter les étapes dans la lutte qu’elle avait engagée contre elle, en prenant l’initiative de l’anéantissement de son commerce (ceci intéressait les commerçants). b) Le danger russe : Dénonciation du traité de commerce germano-russe en 1907 : interdiction, de la part de la Russie à la main-d’œuvre polonaise, d’aller travailler à l’agriculture en Allemagne orientale (ceci intéressait les agriculteurs). c) La situation française : Danger de voir entraver l’échange du charbon allemand contre le fer français. L’Allemagne a trop de charbon, elle manque de fer (ceci intéressait les industriels et les ouvriers). d) Situation financière difficile à soutenir pour l’Allemagne (ceci intéressait les banquiers et les financiers).

Les causes personnelles aussi ont agi. Le changement survenu dans les idées de l’empereur Guillaume[1]. L’impopularité, qui était résultée pour lui de l’échec de la politique impériale au Maroc ; le crédit croissant du Kronprinz portant atteinte au prestige de l’empereur[2]. L’Archiduc François-Ferdinand assassiné à Serajevo était un ami personnel de Guillaume et un futur souverain, double raison pour que l’empereur se sentît tenu de le venger[3].

Les causes militaires venaient s’ajouter ici à toutes les autres.

  1. Le 18 juin 1895, pour l’inauguration du canal de Kiel, Guillaume II écrivait : « Tous les peuples demandent et désirent la paix. Ce n’est qu’en temps de paix que le commerce du monde peut se développer, ce n’est que par la paix qu’il peut prospérer, nous voulons maintenir la paix et nous la maintiendrons. »
  2. Le Kronprinz est depuis longtemps le chef incontesté des chauvins et des nationalistes allemands. Il donne le ton à « l’orchestre national ». « Nous ne pouvons obtenir la place au soleil qui nous revient qu’à l’aide d’une bonne épée, parce qu’on ne nous la cédera pas volontairement. Kronprinz Guillaume. » Ornée de cette inscription et de la devise « Pro patria et gloria », l’image du Kronprinz se vend dans les librairies allemandes. (Der kronprinz, Gedanken über Deutschland’s Zukunft, Paul Liman, Minden, W. Köhler.)
  3. Dans la « Nineteenth Century », du 1er février 1915, William Steed a émis de curieuses hypothèses sur le pacte de Koponicht entre Guillaume II et l’Archiduc.