Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/31

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militaires, argent et hommes, apparurent alors aux peuples dans tout leur réalisme ; apparut aussi une crise économique générale provoquée par l’appréhension de la guerre. « Cela ne peut pas durer ! » tel fut le cri qui retentit de toutes parts, dans les Chancelleries, les Parlements, la Presse et, ce qui était plus grave, dans toutes les sphères de la société.

L’affaire de Serajevo n’a donc été que l’étincelle. Les poudres qu’elle a fait sauter avaient été concentrées antérieurement. Les armements de l’Allemagne, l’entrevue du Konopich, l’attitude de l’Autriche visa-vis des Slaves, les attaques des journaux austro-hongrois contre la Serbie, les intrigues en Albanie, le langage insolent de la presse pangermanique, les ripostes de la presse de la Triple-Entente, tout annonçait publiquement la guerre en 1913 et en 1914. Des efforts étaient faits pour étouffer des divergences considérables et retarder des conflits fatals. Mais le proverbe anglais n’avait pas pénétré suffisamment les esprits : « Quand on vit dans une maison de verre il ne faut pas jeter des pierres. »

113. Les causes particulières à chaque État.


Les causes particulières sont celles qui ont agi sur chaque État en particulier, ce pourquoi il a voulu ou consenti la guerre. Un examen, même superficiel, conduit à reconnaître qu’il y a plusieurs guerres particulières confondues dans une même guerre universelle. On peut citer entre autres les causes particulières suivantes, groupées par pays.

1. L’Allemagne. Elle voulait se créer un empire mondial, faire du XXe siècle son siècle, comme le XIXe a été celui de l’Angleterre et le XVIIe celui de la France. Ce n’était possible que par la force. Elle accrut son armée et créa une marine de guerre. En même temps se développait dans le peuple la propagande du pangermanisme et les théoriciens de la chaire formulaient les doctrines de la race élue, de l’expansion de la puissance souveraine de l’État, transformée bientôt en celle de la « guerre absolue » et de la « nécessité militaire » dans les milieux de l’État-major. L’opinion allemande réclamait des manifestations de la force allemande. Pourquoi, disait-on, la plus grande puissance de l’Europe tenait-elle dans le monde un rang si inférieur à sa dignité ? C’est que des voisins envieux avaient formé un complot pour « l’encercler » et barrer toutes les voies à son expansion (Maroc, Asie Mineure, Balkans) ; il fallait bien la « désencerler ». La folie des grandeurs aboutissait ainsi à une sorte de manie de la persécution (Seignobos). L’entente cordiale vers laquelle avait évolué la France avec l’Angleterre par suite de l’affaiblissement de la Russie en Extrême Orient avait déçu l’Allemagne. Les Allemands attribuaient à