Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/328

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peuples tendant ici à s’opposer, là à coopérer ; constitution d’une pensée universelle.

2. À côté d’une politique ethnique, et d’une politique économique s’esquivent les grands traits d’une politique intellectuelle. Ici également se retrouvent aux prises les tendances fondamentales à antagonisme et à la coopération. Une sorte de protectionnisme intellectuel s’affirme en face du grand courant qui conduit vers l’universalisation de la pensée. De là les luttes pour la destruction de la culture des peuples poursuivies par leurs oppresseurs dans tous les domaines de la vie intellectuelle, dans l’Église, dans les écoles, dans la langue.

Mais en même temps le spectacle a été offert de peuples trop petits pour avoir une culture à eux seuls (les Suisses, les Belges, les Hollandais, les Scandinaves), et qui, tout en la marquant de leur génie national propre, tendent à vivre d’une culture internationale.

3. Les peuples ont besoin d’avoir des rapports spirituels d’après leurs sympathies. C’est pourquoi nous voyons se multiplier les Associations qui ont pour objet le développement des relations intellectuelles de peuple à peuple. La guerre en a créé de nouvelles entre alliés et entre nations sympathisantes. Ces alliances intellectuelles pour renforcer les civilisations communes à certaines races, paraissent aussi nécessaires aux nations que les alliances économiques et politiques[1].

4. Des peuples qui furent les maîtres par leur plus haute culture, mais matériellement faibles, furent écrasés par des peuples plus forts militairement. Leur culture dut succomber : la Grèce au temps de l’invasion romaine, l’empire romain au temps des Barbares, les Byzantins à l’époque des Turcs, l’Italie au temps de la Renaissance, la France

  1. Les Associations France-Amérique, France-Italie, France-Belgique, Suisse-Belgique, etc. Le Comité d’études franco-britannique a défini ainsi son objet : étudier scientifiquement les problèmes d’ordre économique, intellectuel et moral que soulève la coopération désormais désirable de la Grande-Bretagne et de la France et préparer ainsi les grandes solutions qu’il appartiendra à d’autres groupements, tel que le comité interparlementaire franco-britannique, de faire entrer dans la pratique. — Les bases ont aussi été jetées d’une Association franco-anglo-italienne, pour le développement d’un programme intellectuel de demain, commun aux trois peuples, sous la présidence d’honneur de leurs trois chefs d’État. Cette association, d’après les promoteurs, « viserait à une nouvelle Renaissance, en cherchant à renouer les traditions interrompues à l’époque de la Renaissance, en constatant que dans le domaine intellectuel et moral, tous les trésors dont les humains sont si fiers, ont été surtout créés par les trois peuples aujourd’hui alliés et amis et que l’Union des trois génies principaux du monde pourra avoir des conséquences bienfaisantes et décisives sut l’évolution et l’activité des peuples en marche vers la beauté et la vérité. Il faudra pour cela créer une sorte de solidarité intellectuelle entre les nations. Chacun de leurs grands écrivains, penseurs ou savants doit pouvoir être connu et aimé par les trois peuples à la fois » (projet de la Revue et de l’Athenæum). — Consulter Harry-Ervin Bard, Intellectual and cultural Relations between the United States and the other Republics of America.