Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tance primordiale, comme les relations postales, les transports par chemin de fer, l’éclairage, dont la satisfaction est assurée par des organismes très vastes, besoins tels que si le fonctionnement de ces organismes s’arrête un seul instant, il en résulte une perturbation profonde qui met en péril la vie sociale elle-même. C’est pourquoi on ne demande plus seulement aux gouvernements d’assurer les services de guerre, de police, de justice, mais encore d’organiser et de faire fonctionner toute une série de services industriels et d’empêcher qu’ils ne soient interrompus un seul instant. Or, cette obligation, que la conscience moderne impose aux gouvernements, est en contradiction flagrante avec la notion de souveraineté. Ce qui apparaît au premier plan ce n’est plus le pouvoir de commander, c’est l’obligation d’agir pratiquement. Le pouvoir n’existe que dans la mesure où sont remplis ces devoirs. Ces activités, dont l’accomplissement s’impose aux gouvernements, constituent l’objet même des services publics.

Dès lors le principe de tout le système du droit public moderne se trouve résumé dans la formule suivante : ceux qui en fait détiennent le pouvoir n’ont pas un droit subjectif de puissance publique, mais ils ont le devoir d’employer leur pouvoir à organiser les services publics, à en assurer et à en contrôler le fonctionnement. Le droit public n’est plus un ensemble de règles s’appliquant à des sujets de droits différents, l’un supérieur, les autres subordonnés, l’un ayant le droit de commander, les autres le devoir d’obéir. Toutes les volontés sont des volontés individuelles, toutes se valent ; il n’y a pas de hiérarchie des volontés. Toutes les volontés se valent si l’on ne considère que le sujet. Leur valeur ne peut être déterminée que par le but qu’elles poursuivent. La volonté du gouvernement n’a aucune force comme telle ; elle n’a de valeur et de force que dans la mesure où elle poursuit l’organisation et le fonctionnement d’un service public. Ainsi la notion de service public vient remplacer celle de souveraineté de l’État ; elle devient la notion fondamentale du droit public moderne. La loi n’est plus le commandement de l’État souverain ; elle est le statut d’un service ou d’un groupe.

En droit privé, l’évolution a conduit à faire disparaître l’autonomie de la volonté humaine ; la volonté de l’individu ne peut plus par elle seule créer un effet de droit. De même, en droit, public, on ne croit plus qu’il existe, derrière les individus qui détiennent la force dans un pays, une substance collective, personnelle et souveraine. Droit privé et droit public reposent tout entiers sur des conceptions réalistes et socialistes. Conception réaliste, puisqu’on ignore l’existence de cette substance personnelle, derrière les phénomènes d’ordre politique ; réaliste puisqu’on ignore l’existence d’une volonté souveraine, qui aurait par nature le pouvoir de ne se déterminer que par elle-même et de s’imposer comme telle à tous ; idéaliste puisque le système juri-