Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/445

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L’examen des facteurs et des conditions de la vie des peuples nous a conduit à cette constatation générale : tout en développant leur vie nationale, les peuples se sont élevés jusqu’à une vie internationale et celle-ci se montre de plus en plus active, étendue et variée.

Les grandes forces de la société sont en travail, en dehors des frontières comme au dedans. Les forces ethniques mettent les nationalités aux prises avec l’état impérialiste, oppresseur, mutileur, annexionniste ; les forces économiques font surgir les rivalités pour les approvisionnements et les débouchés ; les forces intellectuelles et morales font entrer en conflit langues, religions, mœurs, idéologies particulières ; les forces politiques opposent et font s’entre-choquer les souverainetés absolues des États. Ces antagonismes, s’additionnant, s’amalgamant, se déclanchant au même moment, ont donné son caractère propre et unique à cette lutte titanesque, la guerre mondiale.

Mais tandis que ces nationalismes se combattent sur tous les terrains, semblant ne laisser de place que pour la domination ou l’anéantissement, voici que de toutes parts se sont fait jour des orientations nouvelles et que des faits nouveaux ont été produits. Il semble bien que les antagonismes nationaux puissent trouver une conciliation relative dans des formes supérieures de vie, sur le fondement de l’interdépendance au lieu de l’isolement, de la coopération au lieu de la lutte, de la liberté au lieu de l’oppression et de la contrainte, de l’ordre et de l’organisation au lieu du désordre et de l’anarchie. Une vie internationale régulière tend à affirmer son existence et ses droits à côté de la vie nationale et comme prolongement de celle-ci. Dans tous les domaines des structures sociales élargies, sont en voie de s’édifier sur la base de la reconnaissance d’idéals et d’intérêts généraux, communs à tous, véritablement universels et humains ; sur la base aussi de la subordination à eux des idéals et des intérêts nationaux, de la même manière que ceux-ci ont contraint à se subordonner à eux les intérêts particuliers des factions, des partis, des régions et des clochers.

La Société des Nations, tel est le terme qui s’est imposé pour désigner cette communauté supernationale[1]. C’est d’elle dont il nous reste à examiner la constitution définitive, aboutissement de longs efforts.

Jusqu’ici nous étions sur le terrain solide des faits. Nous disions

  1. L’expression a été consacrée par la Conférence de la Haye de 1907, en son vœu final.