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342. Cour suprême de Justice Internationale.


À côté de la procédure d’arbitrage il est nécessaire d’instituer une nouvelle cour internationale de justice.

1. L’organisation actuelle de la Cour de La Haye a donné lieu aux critiques suivantes : a) Il s’agit, d’une cour d’arbitrage et non d’une cour de justice qui solutionne tous les conflits internationaux et dont l’intervention serait obligatoire. b) La grande variété des tribunaux d’arbitrage, qui tous empruntent leur titre à la cour permanente mais dont néanmoins la composition et le caractère différent considérablement, enlève toute cohérence aux sentences consécutives, auxquelles par conséquent tout esprit de suite fait défaut. c) Les juges pour la plupart sont diplomates plutôt que jurisconsultes ; il n’y a donc pas de compétence juridique, inhérente à la notion de fonction judiciaire. d) Les juges ne sont pas indépendants, mais relèvent des gouvernements qui les ont nommés : peu importe qu’ils soient nationaux ou étrangers, ils dépendent de leurs commettants. e) L’influence politique se fait nécessairement sentir et exclut une jurisprudence reposant uniquement sur le respect du droit strict. C’est pourquoi le prestige moral des sentences de la cour laisse beaucoup à désirer et sa juridiction contribue peu à la réforme et au progrès du droit international. Jusqu’ici la cour de La Haye s’est attachée plutôt à considérer ce qui est équitable et à chercher à contenter les deux parties plutôt qu’à donner entièrement raison aux demandes ou aux défenses comme dans la justice civile[1]. f) La composition de chaque tribunal arbitral comporte des lenteurs lamentables et des frais disproportionnés, ce qui contribue plutôt à détourner les parties litigeantes qu’à les attirer vers la cour[2]. g) Il n’y a pas de procureur international et la Cour ne peut pas agir proprio motu. h) Les décisions n’ont pas de sanction. i) Cette guerre a provoqué parmi les peuples un sentiment tout nouveau : celui de la nécessité d’infliger un châtiment moral et matériel à celui qui est responsable de la guerre. Il est devenu l’ennemi de l’Humanité entière et celle-ci veut qu’il soit puni. Elle demande qu’un tribunal décide de sa culpabilité et applique les peines méritées. C’est une forme du sentiment plus organique déjà que celle du simple désir de voir les coupables vaincus ; elle implique une idée de justice. Et comme conséquence, c’est une fonction nouvelle à ajouter à celles de la Cour de justice, qui n’avait jusqu’ici été demandée que pour trancher les conflits avant que ceux-ci ne se voient transformés en guerre. j) Il faut distinguer entre la Juridiction

  1. Dr  C.-A.-J. Harzfeld, Salomonische uitspraken van het Haagsche permanente Hof van Arbitrage.
  2. J. de Louter, Évolution de l’arbitrage en juridiction internationale, Grotius, p. 10.