Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/482

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fallu réaliser, par une série de mesures quasi immédiates, l’union des puissances dans un but d’action rapide[1]. La réunion avait en vue un objet pratique, extérieur à elle-même, la solution de la question d’Orient. Elle a établi des séances de discussion, des instruments diplomatiques communs, les notes des puissances manifestant leur volonté commune, des communications incessantes et rapides des ambassadeurs avec leurs Gouvernements, un protocole de son action consistant dans la remise de ces notes aux États balkaniques et à la Turquie. La Conférence des Ambassadeurs a su travailler au milieu des passions nationales reflétées dans la presse et dans les divers parlements. Elle a eu à sa disposition la force d’abord, la flotte européenne concentrée dans la mer Égée à l’entrée des Dardanelles, une force navale capable de donner une sanction à ses décisions ; ensuite les moyens de priver la Turquie des ressources financières nécessaires à la continuation de la guerre.

2. Sir Edward Grey a, le 12 août 1913, exposé en ces termes, aux Communes, le mécanisme de l’institution : « À quoi bon avoir recours à une conférence d’ambassadeurs ? Les moyens diplomatiques ordinaires n’eussent-ils pas suffi ? Les moyens ordinaires de communication entre les grandes puissances se résument d’un mot : le télégramme qui va de capitale à capitale. Ce moyen d’échange réclame six ministres des Affaires Étrangères et trente ambassadeurs, trente-six personnes au total. Tout cela, fait une lente et lourde machine. » — Toutefois, si on observe que les ambassadeurs n’étaient pas plénipotentiaires, mais devaient en référer à chaque instant à leurs Gouvernements, qui eux-mêmes ne se décidaient pas sans avoir l’avis de leurs représentants dans toutes les grandes capitales, on conviendra que la simplification était plus apparente que réelle. Il faut retenir, cependant, le fait d’une organisation commune ayant fonctionné sans discontinuer pendant plusieurs mois et avec ce résultat appréciable que la conflagration européenne n’a pas éclaté à ce moment.

3. La Conférence des ambassadeurs aurait pu avoir un lendemain. Sir Edward Grey, pendant les journées qui précédèrent la guerre, proposa que l’Allemagne, la France, l’Italie et la Grande-Bretagne, qui n’avaient aucun intérêt direct en Serbie, agissent ensemble simultanément à Vienne et à Saint-Pétersbourg, si les relations entre l’Autriche et la Russie devenaient menaçantes. La France et l’Italie acceptèrent cette proposition et la Russie était disposée à se mettre à l’écart et à laisser la question entre les mains des quatre puissances désintéressées. Sir Edward Grey tâcha donc de réunir à Londres sous sa pré-

  1. De Kiderlen-Waechter s’était plaint à diverses reprises de perdre un temps précieux et de n’aboutir à aucun résultat par des échanges de vues de cabinet à cabinet. En les concentrant dans une seule capitale, et en les confiant à des diplomates expérimentés, il avait dit qu’on arriverait sans doute à un accord.