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qu’ont entraînées les guerres les plus importantes du dix-neuvième siècle ont atteint approximativement quinze millions ! Cela représente une fusillade ininterrompue de 300 hommes tous les jours pendant un siècle[1] !

Pour la guerre actuelle, on peut citer quelques chiffres. En Angleterre (d’après Asquith en juillet 1915), les pertes étaient de 330.000 hommes, dont 61.000 morts et 196.000 blessés ; le reste perdu, c’est-à-dire prisonniers ou morts, sans qu’on ait retrouvé les corps. Les pertes en novembre étaient de 510.000 hommes. En Allemagne, au 22 novembre 1915, les pertes étaient de 3.700.000 hommes (les 800 premières listes couvrent 10.306 pages).

D’après les statistiques établies, les blessés seraient trois fois plus nombreux que les morts. On a d’autre part tablé sur un déchet de 2 % par semaine, soit 8 % par mois. Ramené à un coefficient plus simple, on a dit trois hommes par kilomètres de front et par jour[2].

À défaut de chiffres officiels publiés, voici une statistique qu’on dit établie par une ambassade de pays neutre. Elle donne le chiffre des pertes jusqu’à fin février 1915, non compris les pertes turques[3].

  alliés xx Impériaux
Blessés 1.895.000 2.500.000
Tués 1.314.000 2.375.000
Prisonniersxxxx 388.000 710.000
  ────────── ──────────
Totaux 3.597.000 5.585.000

On ne peut donc plus parler de la loi de diminution des pertes en hommes dans les guerres.

Pour apprécier l’importance relative des pertes en hommes il faut les rapporter à deux chiffres : la population totale du pays et son coefficient de natalité, c’est-à-dire la possibilité pour lui de combler en quelques années par des naissances nouvelles les vides faits dans ses rangs. Quant au premier chiffre, la population totale, on est étonné de constater combien fondent à l’examen les plus gros chiffres après que l’on en a défalqué les femmes (moitié de la population), les enfants en dessous de l’age de production et les vieillards ayant dépassé cet âge, les incapables de toutes catégories : incurables, invalides, aliénés, criminels. La population mâle valide, en âge de production, représente seulement le tiers ou le quart de la population totale.

En évaluant le gain moyen d’un homme à 2000 francs par an, à 4 % d’intérêt, en y comprenant l’amortissement à raison de la modestie de cet intérêt, cela porte à 32.000 francs la valeur en capital d’un adulte.

En évaluant d’autre part à 8 millions le nombre des jeunes hommes

  1. Charles Richet, La Guerre et la Paix.
  2. Colonel Feyler, « Journal de Genève », 26 septembre 1915.
  3. « L’Œuvre », 12 septembre 1915, reproduite dans la « Paix par le Droit », 1915, p 59.