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environ 100 millions. La guerre du sud-Afrique revint à 3 milliards, la guerre russo-japonaise à près de 5 milliards et la guerre italo-turque à environ 500 millions. Les guerres balkaniques récentes ont coûté environ 5 milliards. Selon Novicow, depuis le traité de Westphalie jusqu’en 1900 le coût des guerres européennes peut être évalué à 450 milliards. Que coûtera la guerre actuelle ? Un nombre fantastique de milliards. Le gouvernement français a demandé, du 1er  août 1914 au 31 décembre 1915, des crédits s’élevant à 28 milliards, soit 6 années de budget ordinaire. Le 20 août 1915, les crédits sollicités par l’Allemagne s’élevaient à 37 milliards, soit une dépense de 2 ½ milliards par mois. Pour la Russie la dépense mensuelle a été évaluée 1.800 millions. En Angleterre elle dépasse 2 ½ milliards.

Les dépenses occasionnées par la guerre courent et augmentent de mois en mois. Concernant l’ensemble des nations engagées dans la lutte, le ministre Helferich a estimé que les frais s’élèvent à environ 412 millions de francs par jour, soit plus de douze milliards par mois et 148 milliards par an. Cette dernière somme représente à peu près neuf fois le montant auquel s’élevait la dette publique anglaise avant la guerre. Or, l’intérêt annuel de 148 milliards à 5 % monte à environ 7 ½ milliards de francs, c’est-à-dire 2 ½ milliards de plus que l’indemnité payée par la France en 1871. Pour peu que la guerre se prolonge, il est permis de se demander comment les belligérants arriveront à faire face au service des intérêts et de l’amortissement des énormes dettes contractées pendant la guerre actuelle.

Et il y a tous les autres dommages qui n’incombent pas aux gouvernements. En août 1915 un statisticien anglais calculait déjà que la première année de la guerre avait coûté globalement à l’humanité 200 milliards. C’est-à-dire que toute heure de guerre coûterait 26 millions[1].

Aussi, comme industrie, la guerre paraît bien avoir fait faillite. Plus le développement économique progresse, plus le coût de la guerre augmente, plus diminue par suite le bénéfice net qu’elle peut procurer aux États les plus forts et à cause de cela victorieux. Déjà on a calculé que l’acquisition des territoires nouveaux par les États balkaniques avait coûté, par lieue carrée, environ 53.000 francs et 3000 morts et blessés. Pendant cette guerre la conquête des territoires belges, français, polonais et russes après un an de guerre avait coûté, sur le front

  1. Les chiffres produits paraissent formidables et il faudrait les soumettre à critique. On a fait valoir que tout n’est pas perdu dans les sommes absorbées par la guerre et qu’une grande partie d’entre elles étaient dépensées dans le pays, les gouvernements remplissant le rôle d’une pompe aspirante et refoulante. Il n’en demeure pas moins certain que toute l’activité du pays est dirigée vers la production de valeurs qui se consomment intégralement à mesure quelles se créent et que l’épargne accumulée a le même sort. — Voir A.-J. Cook « Le coût de la guerre. » Journal de la Société de statistique, mai 1915.