Page:Otlet - Problèmes internationaux et la guerre.djvu/520

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tout État y retrouve ses propres intérêts et soit prêt à former majorité pour les défendre : ce sont là les principes à mettre en œuvre dans la cité nouvelle : la Civitas Maxima.

44. Sur l’avenir



Quand est survenue la catastrophe de la guerre, il a semblé à beaucoup d’hommes que s’écroulait tout ce à quoi ils avaient cru et pourquoi ils avaient lutté, ou du moins que la réalisation de leurs idées les plus chères de justice, de droit, de coopération et de progrès humain, était reculée à une époque tellement lointaine que la génération actuelle n’avait qu’à se résigner. Ce sentiment atroce des premières heures, il nous faut maintenant délibérément le raisonner.

L’évolution lente et les évolutions brusques sont deux processus généraux de la société comme de la nature. La marche des faits et des idées, avant la guerre, conduisait d’un progrès lent mais continu vers l’internationalisme. Que va devenir ce mouvement ? Allons-nous avoir un retard, un recul, une déviation ? ou bien, toutes les conditions anciennes étant violemment modifiées, allons-nous atteindre d’un seul bond le point qu’il eût fallu normalement des décades d’années pour toucher ?

Il est trop tôt pour répondre d’une manière péremptoire à ces questions. La guerre est un phénomène en plein développement. Il est impossible de se prononcer définitivement avant que son cours soit achevé. En ce moment les éléments du monde d’hier, matériaux du monde de demain, sont en travail dans la fournaise. Certains ont le cœur déjà consumé, bien qu’ils conservent leur apparence extérieure ; mais tantôt ils s’effondreront en cendres et poussières. D’autres au contraire sont déjà séparés de leur gangue devenue inutile, purs métaux prêts à s’allier aux métaux voisins. La synthèse de l’humanité nouvelle s’élabore ainsi sans que nul encore, dans l’état embryonnaire et provisoire de nos connaissances sociologiques, puisse dire avec certitude ce qu’elle sera. Rien en effet du passé ne peut nous fournir la formule adéquate de l’organisation de l’avenir. Un fait cependant paraît certain : c’est qu’il y a lieu d’espérer que les forces en labeur accoucheront d’un monde meilleur. L’examen auquel nous nous sommes livré en a surabondamment donné les motifs, puisés dans l’histoire et dans le présent.

Mais alors même que cette certitude paraîtrait obscurcie et voilée à certaines heures particulièrement sombres du présent, encore devrions-nous, conscients de l’utilité de tout effort sans doute, avec foi et courage, travailler à l’avènement d’un tel avenir !