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d’imposer à l’autre ses propres solutions. Que celles-ci ne soient pas adéquates aux difficultés elles-mêmes, ou qu’elles s’inspirent d’une volonté inéquitable, et la paix en devient injuste et instable, point de départ elle-même de nouvelles guerres. En ce sens la conduite de la paix doit préoccuper tout autant que celle de la guerre.

Mais toutes les solutions particulières du problème de la paix devront se grouper autour de la solution à donner à ce problème central : quel principe d’ordre mettre à la base des relations internationales entre États ? Ce principe ne peut être l’attribution à chaque État d’une souveraineté absolue ne connaissant d’autres limites que ses intérêts et ses ambitions : c’est là le principe actuel, et nous en constatons les conséquences. Il ne peut être non plus celui d’une organisation où prévaudraient les intérêts d’un État ou d’un groupe d’États, lesquels domineraient par la contrainte, et dont l’hégémonie prendrait la forme d’un empire quasi universel. En réalité, le vrai principe à instaurer, c’est l’établissement d’une Société des nations à base d’égalité et de solidarité. Les droits et garanties des membres, les institutions internationales collectives d’une telle Société doivent être consacrés par une Charte Mondiale qui soit l’expression de l’organisation juste et stable de ses différentes parties, de la même manière qu’à l’intérieur de chaque État une constitution écrite est venue consacrer Les relations fondamentales de la vie publique, dire les libertés de chacun et régler les pouvoirs qui en assurent la garantie effective.

Si les peuples le veulent, la paix prochaine pourrait leur donner cette Charte. Après la gigantesque ruée des nations, les calamités subies, les sacrifices consentis, après le monde d’idées et de sentiments apparus dans les cerveaux et dans les cœurs, il ne pourra plus s’agir seulement de territoires et d’indemnités de guerre. Ceci sera réglé par les belligérants, peut-être sur le champ de bataille même. Une tâche toute autre s’imposera ensuite. Arrêter les conditions qui doivent assurer à l’avenir, la vie et la sécurité du monde. Ce ne peut être que l’œuvre d’un Congrès général siégeant en Constituante, et élaborant un traité qui contiendra les principes mêmes de la Charte mondiale.

17. LA GUERRE DOUBLÉE D’UNE RÉVOLUTION



La guerre de 1914 est un fait historique immense, tout plein de conséquences et ouvrant à l’Univers une ère nouvelle. Jamais au cours de l’histoire de l’humanité, puissances plus formidables et mieux organisées pour la destruction ne furent aux prises en aussi grand nombre ; jamais masses de peuples plus denses ne furent soumises directement ou indirectement à plus d’influences diverses ré-