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ÉLÉMENTS INTELLECTUELS

des opérations à faire pour arriver au résultat demandé) et le calcul (exécution des opérations indiquées par la solution).

7. Une science. — Toute science a des faits, un objet, un programme ou but, des théories, des méthodes.

On peut rédiger l’exposé dans l’ordre suivant : définition, proposition, prévisions, conséquences, règles, remarques, exercices, problèmes.

« À côté ou au-dessous des travaux d’érudition, il faut à toute science des exposés synthétiques, oraux et écrits. Pour de pareils exposés, les idées générales sont nécessairement au premier plan, les faits au second, alors qu’au contraire, dans l’enseignement érudit, il faut, comme disait Fustel de Coulanges, une année d’analyse pour autoriser une heure de synthèse. »

(Salomon Reinach.)

8. Desiderata. Recommandations. — Les recommandations, suggestions et desiderata suivants sont proposés pour une claire exposition : 1° la pensée sera divisée ; 2° les parties seront reliées les unes aux autres, formant « chaîne », chaque point étant un problème ou un aspect spécial du sujet traité. Parfois ces points sont strictement classés, parfois ils sont réunis par les liens d’un raisonnement bien articulé ; 3° elles seront classées ; 4° exprimées en termes adéquats, précis, concis, vivants ; 5° disposées en divisions numérotées ; 6° chaque division sera rubriquée ; 7° elle sera susceptible de se condenser en une proposition énoncée clairement ; 8° la pensée toute entière pourra donc être liée à un résumé intégral formé de l’ensemble des propositions particulières exprimé dans les divisions du développement ; 9° termes précis, répéter les mêmes mots plutôt qu’un équivalent ; 10° phrase construite simplement, sans inversion, courte ; 11° exposé direct, enchaînement des idées directs sans incidences (dégression) ; 12° système logique de division et subdivision apparaissant bien nettement tout en soignant la rédaction littéraire ; 13° l’illustration, réelle et schématique ; 14° les références d’une partie à l’autre de l’exposé ; 15° présenter éventuellement dans le texte les données générales et renvoyer les notes de toute espèce dans une seconde partie. Quelquefois l’auteur fait un exposé synthétique, à l’occasion d’une polémique, mais renvoie à un appendice les notes où la discussion reprend ses droits. Un savant aux idées synthétiques, après avoir produit beaucoup d’idées particulières, finit par incorporer ses études particulières à un ouvrage général[1] ; 16° indiquer les sources bibliographiques. Au point de vue de l’exposition la méthode scientifique veut des renvois confirmatifs au bas des pages ou à la fin du volume. Indication des sources exactes de l’affirmation produite. La science devient liste, inventaire, tableau numérique. Ex. classification du spectre, des étoiles : catalogue du Harvard College Observatory ; 17° donner des résumés. Il y a l’exposé, le résumé de l’exposé et parfois le résumé du résumé[2] ; 18° établir des tableaux. Les données de la science tendent de plus en plus à être « tabulisées », à prendre la forme de tableaux soit en colonnes correspondant aux caractéristiques ou parties à relever, soit en schémas systématiques.

9. Observations complémentaires.

a) La méthode scientifique (en écrivant), dit de Candolle, consiste à donner sur chaque question d’abord les faits, ensuite le raisonnement, enfin les conclusions, sans dissimuler au lecteur ce qui paraît obscur ou incertain, mais le grand public n’aime pas cette méthode. Il veut qu’on débite d’une manière hardie, en posant certains faits ou certains principes comme démontrés et qu’après on l’intéresse par le développement de détails et de conséquences.

b) On est amené à rechercher maintenant un procédé pour rendre apparente la structure du livre que cachaient les auteurs anciens et pour qui le livre passe comme le bâtiment à la phase ; la vérité des matériaux apparents. — Montrer la structure par le dessin du plan (développement synoptique, décimalisation et rubricage). Idée mère ou proposition, preuve, notes, bibliographie ; textes différents d’après la nature des matériaux.

c) L’art d’exposer doit s’inspirer de l’art d’enseigner et des progrès qu’il a réalisés. Inversement l’art d’enseigner doit faire une place capitale à l’art d’exposer.

« Avec des procédés d’enseignement plus expéditifs, une sévère économie d’efforts stériles, on apprendrait le grec en trois ans et le latin en deux. En érudition comme en pédagogie, la solution du problème est identique : il faut perfectionner l’outillage de la transmission du savoir, accroître le rendement sans exagérer l’effort, augmenter le travail utile par la suppression des frottements qui le gaspillent. L’esprit humain qui est la plus souple des machines, se prête admirablement à des transformations de méthodes quand il est entre les mains d’ingénieurs qui connaissent ses aptitudes et ses résistances. Le jour où la pédagogie, qui n’est encore qu’un art, sera devenue une science positive, le problème de la surcharge des programmes n’alarmera plus que les timides et les indolents. »

Boissacq, citant Salomon Reinach.

d) L’exposé par l’image. Il y a une méthodologie de l’exposé par l’image.

e) On peut aussi développer le sujet de la manière suivante : 1° de simples points énumérés, bien distincts, sans lien dans la rédaction mais avec connexité implicite ; 2° des informations sans préoccupation d’ordre (type dictionnaire et encyclopédie) ; 3° un raisonnement selon un des modes typiques (syllogisme, dilemme, sorite, etc.) ; 4° la systématisation-classification rigoureuse.

  1. Voir à titre d exemple : Freemantle. Comparative politics.
  2. Victor Cousin : Du vrai, du beau et du bien, 23e édition, p. 660.