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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

lois qui s’y rapportent. On fait donc une synthèse d’explications. Il en résulte qu’en général un tel article ne sera compris que par un lecteur déjà familiarisé avec les lois elles-mêmes. Les dictionnaires sont commodes pour chercher des renseignements, des détails que l’ordre alphabétique permet de trouver aisément, mais ils ne donnent aucune idée de l’enchaînement des lois scientifiques, c’est-à-dire de l’essentiel de la science.

Le traité se propose d’exposer cet ordre, un ordre linéaire et logique, mais il ne donne pas la moindre idée de la façon dont la science se fait. Ils sont précieux pour les gens de métier, savants ou étudiants. Dans les parties les plus avancées des sciences où l’enchaînement déductif des lois est bien conçu, ils sont d’admirables monuments de logique.

En somme, pour décrire l’arbre de la science, ou bien on le met en morceaux qu’on étiquette et qu’on range dans l’ordre alphabétique : c’est le dictionnaire. Ou bien on le décrit en allant des racines vers les feuilles : c’est le traité synthétique, mais pour des raisons variées, on en éloigne toutes ou presque toutes les feuilles.[1]

f) Le traité doit offrir de l’unité. Il est nécessaire que les gros traités soient faits en un seul traité, de temps et conçu avec un rigoureux esprit d’unité, faute de quoi l’indécision se produit dans les recherches et le défaut de proposition dans les vues. Les sciences, les faits ne marchent point d’un pas régulier. Sur certains points, ils sont stationnaires sur d’autres ils se transforment avec rapidité ; leur variation et leurs progrès sont subordonnés aux variations et aux progrès des sociétés. Il faut à un moment donné en tracer le tableau, ce que ne peuvent les périodiques.

g) Le traité pourrait être à la fois impersonnel en ce qu’il rapporte l’état de la science œuvre connue et personnel en ce qu’il donnera un classement et une direction de pensée aux données exposées et qu’il rattachera aux diverses matières classées des données nouvelles et originales.

h) Le traité doit être à jour.

Le traité classique en élimine cependant tout ce qui trop récent ou trop individuel encore, risque d’être éphémère. Il doit aussi éliminer tout ce qui est tombé définitivement en désuétude et n’est plus pris en considération ou au sérieux par personne. Cependant il signalera en note l’existence du récent et du périmé.

j) Le traité doit présenter des concentrations classées de données. Il y a des travaux possibles avec l’appareil bibliographique existant, mais fastidieux et provoquant le gaspillage du temps. Ainsi par ex., avec certains traités de zoologie, l’étudiant est obligé de prendre un animal et de rechercher dans le chapitre anatomique tout ce que l’on dit de lui en citant son nom entre parenthèses, à la suite de quelque courte indication, de manière à se constituer un type au moins sur lequel il puisse reposer son esprit. Mais jamais il n’y arrive, car celui que l’on cite à propos de l’appareil digestif n’est plus cité quand on passe au système nerveux ou aux organes de la reproduction. Il n’arrive jamais que le même soit pris à propos de toutes les fonctions et l’étudiant se résigne, de guerre lasse, à prendre les choses comme il les trouve et à rester dans le vague des abstractions. Ce travail qu’il n’a pu faire, c’est à l’auteur à le faire pour lui. C’est à l’auteur à lui présenter les choses dans la forme où il le désire, où il a besoin qu’elles soient pour en avoir une notion précise et pour les retenir. (Yves Delage.)

j) Le traité, par son contenu et sa présentation, sera un stimulant au développement de la science et non une cristallisation. En montrant les progrès dans le passé, il doit être un rappel pour le progrès dans l’avenir ; en indiquant les points acquis, il doit signaler les problèmes posés et restant à résoudre.

Le traité ne doit pas chercher à imposer le statu quo dans l’encre et le papier, et à le perpétuer sous cette forme.

k) Le traité sera l’ouvrage essentiel de l’exposé fondamental de chaque science, l’ouvrage intégral. On y trouvera à leur expression optimum, les divers éléments bibliologiques combinés entre eux également.

l) Le traité fera partie intégrale de l’organisation de la documentation et de l’édition.

Il en sera partie notamment : 1° en mettant en œuvre toute la série coordonnée des formes bibliographiques élémentaires ; 2° en s’établissant en corrélation avec la série des formes fondamentales de publication (encyclopédie, revue, annuaire, atlas, bibliographie) ; 3° en appliquant les règles formulées pour la publication et pour la bibliographie ; 4° en étant une contribution au plan de la Documentation universelle.

m) Le traité sera largement en coopération. L’organisation suivante, déjà largement esquissée dans la réalité, permettrait d’arriver à une documentation intégrale. Elle reposerait à la fois sur l’enseignement, sur les services scientifiques officiels et sur les sociétés scientifiques, les chaires des instituts supérieurs, les séminaires similaires de tous les pays, qui sont presque tous membres des associations internationales. Celles-ci pourraient assumer en coopération systématisée et continue, établir un traité fondamental de chaque science. Puisque les matières ont à être enseignées partout, le travail de mise au courant de la matière est déjà effectué par les professeurs. Les cours partout devraient être objectivés par un traité complet mis à la disposition des étudiants. Les assistants des maîtres, aidés d’étudiants, auraient la tâche de l’élaboration matérielle des traités au moyen des matériaux publiés de divers côtés.

  1. E. Brucker : L’éducation de l’esprit scientifique. Revue scientifique, 30 mai 1906.