Page:Otlet - Traité de documentation, 1934.djvu/155

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
241
LE LIVRE ET LE DOCUMENT

241.326 TYPES DE JOURNAUX.

a) Le journal à combinaison La Croix de Paris, publié par la Maison de la Bonne Presse de Paris. Grâce, à secs 14 modes de combinaison, il se transforme aisément en journal régional, à partie commune et partie spéciale, portant toujours le titre de « Croix ». Ex. : La Liberté pour tous, éditée par la Maison de la Bonne Presse de l’Ouest. Le journal à 4 pages à 5 colonnes, deux pages forment la partie commune, deux pages la partie spéciale réservée à la chronique locale ou régionale. 1,000 journaux avec une page entière de composition spéciale reviennent à fr. 32.50.

b) Camille Lemonnier, vers 1900, écrivait : « Le Soir de Bruxelles a été créé par un typo comme journal gratuit, quasi obligatoire. Il a trouvé le moyen d’avoir des écrivains de talent qui, pour vingt francs, écrivent des articles de trois ou quatre colonnes. Tous les jours, le seul des journaux belges, il publie une chronique de tête sur des sujets de science, d’art, d’utilité publique. Il est une des créations les plus remarquables du journalisme européen. »

c) En 1907, le Daily Mail de Londres a fait paraître une édition en caractères Braille à l’usage des aveugles.

d) Letellier, gros entrepreneur du Panama, allait être compromis dans l’affaire. Un journaliste de beaucoup de talent mais de moralité douteuse le convainquit que pour se défendre il devait fonder un journal. Ce fut l’origine du Journal auquel Xau, en quelques mois, donna le plus grand essor. Le moyen fut simple : la pornographie. Tous les jours un demi-million de Français put s’offrir, pour un sou, deux articles échauffants et en dernière page, aux annonces, de la prostitution. Le succès fut si énorme qu’au cours de la guerre Letellier put vendre le journal quelque vingt millions.

c) Dans la catastrophe qui frappait la civilisation pendant la guerre, dans les émotions élémentaires et vitales qu’elle a soulevées et dans l’universelle floraison d’héroïsme, on a pu voir la preuve des profondes survivances, des forces affectives et des instincts. On a vu ainsi aux prises l’autorité de la raison et de l’intuition et cela si fortement qu’on pouvait lire, sur les murs de Paris, des affiches portant : « L’Œuvre, propre, vivant, n’est pas le journal que lisent les imbéciles ».

f) Le Tape (création moderne) est un journal financier unique en son genre, comme on va pouvoir en juger, publié à New-York. Il paraît tous les jours de Bourse et s’imprime en cinq heures, de 10 heures du matin à 3 heure de l’après-midi. Son format est sa moindre singularité : environ 300 mètres de long sur 2 cm. de large. Il ne se vend pas au numéro, mais compte d’innombrables abonnés dans tous les États-Unis et au Canada. Il paraît simultanément à San-Francisco, Montréal, Québec, etc., en même temps qu’à New-York. C’est l’organe officiel de la Bourse de New-York. Il ne publie que la pure vérité, c’est-à-dire les cotes successives enregistrées de toute transaction effectuée, au nombre de près de 5,000 actuellement (1910).

L’éditeur du Tape commande à 20 reporters, sans cesse occupés à noter les cours au fur et à mesure qu’ils se produisent et qui se divisent la besogne méthodiquement. Quarante télégraphistes spéciaux envoyent ces cours à douze collègues installés au haut du bâtiment de la Bourse, qui les transmettent au bureau central du Tape. Là vingt autres employés, par une simple pression du doigt sur un bouton actionnant un fil électrique, impriment d’un seul coup chaque cote sur des appareils tellement petits que chacun d’eux tient dans un chapeau. Ces vingt mille cotes en même temps paraissent sous les yeux des abonnés quelques secondes après leur fixation en Bourse, dans un rayon de vingt mille autour de la Bourse. Au delà, c’est la compagnie qui, au moyen de milliers et de milliers d’autres petites presses semblables, répand en quelques minutes, dans tous les États-Unis et le Canada, les cotes successives de toutes les valeurs transactionnées à New-York. On en est arrivé à appeler « tape-prices » (prix enrubannés) les prix successivement cotés pendant une séance de Bourse et indiquant au fur et à mesure les fluctuations du marché, depuis le prix d’ouverture jusqu’au prix de clôture.

241.327 INFLUENCE. PROPAGANDE. VALEUR ET VÉNALITÉ DE LA PRESSE.

a) À l’âge d’or de la presse, on disait : La Presse est l’organe informateur et directeur de l’opinion. Elle s’honore d’être l’écho et l’animatrice de l’opinion publique. La Presse qui instruit et moralise les nations, forme l’opinion publique, elle régit le monde entier.

Certes, la Presse est et demeure le principal moyen de formation et d’expression de l’opinion publique, et la guerre a montré que l’opinion était désormais le mystérieux et formidable levier du gouvernement des nations modernes ; il convient donc d’avoir une Presse qui soit fonction des relations que les pays respectifs se proposent d’établir entre eux. La formation d’un courant d’opinion a deux sources principales : 1° l’infiltration lente des idées et des faits — et par des faits il faut entendre aussi bien l’énoncé ou l’appréciation d’un intérêt — amenés sur une même pente par des canaux dont le plus important est la Presse quotidienne ou périodique ; 2° un événement qui soulève soudainement le vieux fonds d’idées de la masse, qui déplace en quelque sorte la ligne de partage des eaux, qui charge le cours des opinions et crée en peu de temps un état d’esprit différent, c’est-à-dire en somme des possibilités économiques et politiques nouvelles.

(Henry Moresset.)

b) La Presse fut longtemps un organisme de propagation de nouvelles, de diffusion et de défense des opinions.