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LE LIVRE ET LE DOCUMENT

j) Parmi les recueils on peut ranger les œuvres complètes d’un auteur.

241.43 Publications de textes.
241.431 NOTION.

Un des plus grands travaux consiste à remonter jusqu’à la source, jusqu’aux documents originaux. Les notions des anciens savants sont éparses dans les œuvres des citateurs. Beaucoup de savants du moyen âge ont une partie de leurs œuvres éparses dans les ouvrages de commentaires. Ainsi quantité de livres anciens ne sont connus que par des fragments, des traductions ou des citations.

Les fondateurs de grandes doctrines (par ex. Zenon et Chrysipe) ne nous sont connus que par des textes de plusieurs siècles postérieurs qui ne représentent pas leur pensée dans son intégrité. De bonne heure les disciples ou les commentateurs ont détruit l’unité du système ; ils en ont retranché selon leurs principes et les besoins de leur époque, les parties qui leur semblaient les plus arides et encore dans celles-ci ont-ils fait des choix.

Les textes sont invoqués pour une justification rapide et sûre de faits, pour une illustration commode ou frappante des idées.

Il ne faut pas confondre la matière première avec le produit fabriqué, c’est-à-dire les sources historiques avec les narrations faites au moyen de ces sources ; entre les témoignages et la transformation de ces témoignages, c’est-à-dire les sources et les facilités de les déchiffrer. Il faut donc des textes et des textes exacts. Point de textes mutilés, tronqués ou inexactement reproduits.

La correction des textes est affaire d’importance. Comment attribuer à tel auteur tel texte si l’attribution comporte des paroles qui ne sont pas de lui, ou en supprime qui sont de lui. Gui Patin (1602-1672) dit avoir compté d’abord plus de 6,000 fautes, puis plus de 8,000 dans le Plutarque d’Amyot.

Le texte désigne les propres paroles de l’auteur par opposition aux notes, gloses, commentaires. La restitution des textes altérés appartient spécialement à la philologie et à la critique, sciences cultivées dès l’antiquité, mais qui ont pris de nos jours de grands développements, grâce surtout aux progrès de la linguistique et de l’histoire. On ne saurait trop recommander de recourir à l’étude intelligente des textes : « C’est, a dit La Bruyère, le chemin le plus court, le plus sûr et le plus agréable pour tout genre d’érudition. »

241.432 RÈGLES POUR LA PUBLICATION DES TEXTES.

La publication des textes a donné lieu à des règles et recommandations diverses dont voici les principales. Elles ont été dégagées peu à peu des meilleurs usages et codifiées.[1]

a) Publier les textes intégraux, ce qui est différent d’un choix de morceaux ou d’une collection dite de « chefs d’œuvres » ou « de grands classiques ».

b) Publier toutes les œuvres de la littérature d’une certaine langue ou d’un certain pays et d’une certaine époque.

c) Établir les textes d’après la méthode qui préside aux travaux philologiques et avec un appareil critique appropriée.

d) Présenter les œuvres telles qu’elles se sont présentées, qu’elles sont apparues à leurs contemporains et conformément à la dernière volonté de l’auteur. Reproduire le texte de la dernière édition et dans l’orthographe du temps.

e) Accompagner l’ouvrage : 1° d’une préface d’ouverture large et vivante ; 2° d’un appareil critique ; 3° de notes ; 4° d’un glossaire de termes ; 5° de variantes ; 6° de renseignements bibliographiques.

f) Les éditions critiques doivent être établies en fonction directe de la tradition manuscrite et non sur la base d’une édition antérieure. Le texte doit reposer sur l’ensemble des manuscrits qui peuvent avoir une autorité, et non sur un manuscrit arbitrairement isolé des autres, ce manuscrit fût-il le meilleur.

On publie les textes des éditions critiques, présentant les variantes de différentes impressions et s’il y a lieu les diverses rédactions de manuscrits. Souvent les éditions sont accompagnées de l’indication des sources et d’un commentaire historique et philologique.

g) L’apparat critique signale tous les endroits où on peut soupçonner soit une faute de composition, soit une faute d’auteur ou négligence d’auteur. Il relève toute contradiction, toute invraisemblance de fait, tout anachronisme, toute obscurité ou ambiguité, toute incorrection grammaticale, toute anomalie métrique ou prosodique, toute « pluripartition » orientée, tout manque de proportion, de symétrie.

h) Numérotage, renvois numériques, pagination, linéation. — Dans les éditions critiques des œuvres en vers, on numérote les vers de 5 en 5, de 4 en 4. de 3 en 3, ou d’après l’analyse des strophes et autres grandes unités. Pour la prose, à l’intérieur d’une division préexistante, livre, chapitre ou paragraphe, on a proposé de diviser en phrases et en incises. Les phrases formant un sens complet sont numérotées par des exposants préposés 5 sed…, 6 tamen. À l’intérieur de ces phrases, des incises

  1. Principes d’édition de la collection des Universités de France. Principes de la Société des textes français modernes. — Havet Louis : Règles pour éditions critiques. Règles et recommandations générales par l’établissement des éditions Guillaume Budé. Établis à l’usage des collaborateurs de l’association Guillaume Budé.