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BIBLIOMÉTRIE

0 m. 45 × 26, 6 = 1.197 points ; sur 0 m. 56 × 26, 6 = 1.490 points. Mais le point a un multiple qui sert à simplifier. Ce multiple, certains l’appellent le cicéro, en souvenir des Offices de Cicéron, qui furent imprimés dans un caractère dont le corps y correspondait à peu près. Il est préférable de dire un douze, des douzes, c’est à la fois plus précis, plus commode et cela ne prête pas à confusion.

Quand on a une justification à prendre, on parle en douzes et quand on connaît le nombre de points, comme dans l’exemple ci-dessus, il faut diviser par douze. Il est donc plus simple de chercher immédiatement le nombre de douzes, et cela est assez facile si l’on veut se donner la peine de retenir que, dans un mètre ou 2.660 points, il y a 222 douzes moins 4 points (221 d. 8 points). Il faut souligner « moins 4 points » : c’est ce qui permet une approximation aussi exacte que possible. Quand la mesure métrique approche du quart de mètre, on aura à déduire un point et on fera de même pour chaque quart de mètre.

Dès lors, en douzes, le centimètre équivaut à 2.22, le millimètre à 0,222. En multipliant par ces nouveaux nombres, on a une approximation suffisante.

7. Les coefficients. — Les coefficients portent notamment sur :

1o les formats ; 2o les points typographiques ; 3o le poids du papier, étendue au poids, épaisseur des livres de type ; 4o les prix unitaires.

La bibliométrie résume les statistiques et donne les indices de comparaison.

8. Fréquence de lecture d’un auteur ou d’un livre. — Il serait intéressant de savoir combien un auteur a été lu. Voici Voltaire. De 1740 à 1778 il se fit 19 recueils des œuvres, sans compter les éditions séparées, très nombreuses pour les principaux écrits[1]. De 1778 à 1815, Quérard indique six éditions des œuvres complètes sans compter deux éditions incomplètes et déjà copieuses. Enfin pour la période de 1815 à 1835, en vingt ans, Bengesco rencontre 28 éditions des œuvres complètes[2]. Puis rien de 1835 à 1852. De 1852 à 1870, 5 éditions, dont l’édition de propagande du journal « Le Siècle ».

Depuis 1870, une édition, celle de Moland, de caractère purement littéraire et historique et tout à fait sans rapport avec la conservation ou la diffusion du voltairisme. Au total, grande consommation jusqu’à la Révolution ; puis ralentissement jusqu’en 1815 ; prodigieuse recrudescence de la demande sous la Restauration ; puis de nouveau ralentissement ; reprise sensible sous le second Empire. Cette courbe correspond assez à celle des mouvements libéraux ; on imprime et on réimprime Voltaire, surtout aux époques où ces mouvements rencontrent le plus de résistance et prennent le plus de violence. Cependant, il faut aussi tenir compte du fait que, sous la Révolution, après l’édition encadrée de 1775 et les deux éditions de Kehl ; et, sous Louis-Philippe, après les 28 éditions qui se succédaient depuis vingt ans, le marché put être encombré ; il fallut donner au public le temps d’absorber la production de la librairie. Toujours est il que l’abondance même de l’offre, de la part des éditeurs, indique une demande considérable de l’opinion libérale. Il faudrait connaître le tirage de ces éditions. Le gouvernement de la Restauration a essayé de se rendre compte de la diffusion « des mauvais livres ». D’un rapport officiel qui fut alors analysé par les journaux, il résulte que, de 1817 à 1824. douze éditions de Voltaire se sont imprimées, formant un total de 31,600 exemplaires et de 1 million 598.000 volumes. En même temps. 13 éditions de Rousseau donnaient 245,000 exemplaires et 480.500 volumes. Les éditions séparées d’écrits de l’un et de l’autre jetaient sur le marché 35,000 exemplaires et 81,000 volumes. Au total, c’étaient 2.159.500 volumes philosophiques qui étaient lancés en sept ans contre la réaction légitimiste et religieuse et de ce nombre effrayant de projectiles. Voltaire fournissait plus de trois quarts.[3]

9. Bibliosociométrie. — Comment mesurer l’action du Livre et du Document sur l’homme et la société ?

a) Voici par exemple un Traité de Physique, il est tiré à 2,000 exemplaires ; chacun constitue comme une sphère d’influence ayant la potentialité d’agir sur tout lecteur qui s’en approchera. En ses 500 pages, supposons que le traité comprenne 15 chapitres avec en tout 50 sections et 600 alinéas, constituant chacun l’exposé d’une idée ayant un sens complet. Le « volume documentologique » global offert en lecture dans la société par ce traité est 600 alinéas × 2.000 exemplaires = 120,000 idées documentalisées. Mais les 2,000 exemplaires ont des sorts bien différents : exemplaires destinés aux livres de texte des étudiants du cours de professeur, circonstance qui a déterminé l’édition ; exemplaires dans les Bibliothèques ; exemplaires chez les particuliers ; exemplaires dans les librairies ; exemplaires de presse ; exemplaires donnés en hommage ; exemplaires restés en stock chez l’éditeur ou l’auteur. Après un certain temps ont agi sur le corps matériel des exemplaires du livre, les causes d’usure et de destruction et sur les idées exprimées par les livres, des causes du vieillissement (par ex. les livres de sciences dépassés). La chance pour les exemplaires de rencontrer leurs lecteurs est donc inégale et avec le temps, elle diminue ou s’accroît, proportionnellement à la notoriété de l’auteur et de l’ouvrage. D’autre part, les lecteurs sont de complexité et formation différentes. En présence d’un ensemble de données bibliographiques déterminé, ils procéderaient chacun à la lecture suivant leur spécialité, leur curiosité et leur réceptivité. Intervient aussi le degré de

  1. Bengesco. Q. IV. Nos 2122-2141.
  2. Ibid. Nos 2145-2174.
  3. Voltaire, par G. Lanson.